Politique

20-09-2018 Par

Vacances du Grand-Duc au Sahara occidental occupé: le gouvernement doit prendre ses distances.

Ces derniers jours, les utilisateurs de facebook au Luxembourg ont pu régulièrement voir s’afficher des « publications suggérées » faisant état du séjour de kitesurfing de « SAR le Grand-Duc Henri de Luxembourg à l’hôtel Dakhla Attitude au Maroc ». Il est sidérant que le chef de l’État, fût-ce en agissant à titre purement privé (mais est-ce seulement possible, eu égard la lettre de notre Constitution?), ait pu se laisser instrumentaliser de la sorte pour les besoins de propagande d’une puissance étrangère.

Vacances du Grand-Duc au Sahara occidental occupé: le gouvernement doit prendre ses distances.

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Ces derniers jours, les utilisateurs de facebook au Luxembourg ont pu régulièrement voir s’afficher des « publications suggérées » faisant état du séjour de kitesurfing de « SAR le Grand-Duc Henri de Luxembourg à l’hôtel Dakhla Attitude au Maroc ».

Il est sidérant que le chef de l’État, fût-ce en agissant à titre purement privé (mais est-ce seulement possible, eu égard la lettre de notre Constitution?), ait pu se laisser instrumentaliser de la sorte pour les besoins de propagande d’une puissance étrangère.

Il faut en effet rappeler que Dakhla n’est pas situé au Maroc, mais au Sahara occidental. En effet, pour la communauté internationale, le Sahara occidental ne fait pas partie du Maroc, mais constitue un territoire séparé et distinct de celui-ci (et non pas un territoire simplement disputé), comme l’a d’ailleurs rappelé la Cour de Justice de l’Union européenne dans plusieurs décisions récentes. Le Maroc, qui a envahi et annexé cette ancienne colonie espagnole en 1975, privant le peuple sahraoui de son droit à l’autodétermination, y pratique une occupation militaire illégale au regard du droit international.

Selon les rapports des principales ONG et autres observateurs internationaux, le régime d’occupation marocain au Sahara occidental donne lieu à de très nombreuses et graves violations des droits de l’homme. Rappelons aussi que des enquêtes judiciaires espagnoles ont relevé l’existence de faits de génocide commis par le Maroc au Sahara occidental lors de l’invasion du territoire.

En se rendant au Sahara occidental et en acceptant de servir, fût-ce à son insu, de caution à l’occupant marocain, le Grand-Duc contribue rendre plus difficile la reprise des négociations de paix lancées sous l’égide de l’ONU entre l’occupant marocain et le Front POLISARIO, représentant légitime du peuple sahraoui.

Par conséquent, il paraît pour le moins souhaitable que le gouvernement luxembourgeois, historiquement opposé à l’occupation des petites nations par les grandes et se disant engagé en faveur du respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire :

(1) se distance formellement du voyage accompli à Dakhla par le chef de l’État et de prendre les dispositions nécessaires pour que ce type d’incident ne se reproduise à l’avenir (il est d’ailleurs à espérer que le gouvernement luxembourgeois n’a pas contribué à l’organisation de ce voyage en se chargeant des formalités de visa pour le compte de la famille grand-ducale) ;

(2) rappelle que le Luxembourg, en application de ses obligations au titre du droit international et en exécution de la jurisprudence de la CJUE, ne reconnaît pas la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental ;

(3) s’engage pour la reprise des pourparlers sous l’égide de l’ONU en vue de l’autodétermination du peuple sahraoui.

Par ailleurs, on ne peut manquer de voir dans cet incident une nouvelle illustration des limites inhérentes au régime de la monarchie constitutionnelle. Celle-ci, en liant l’image de tout un pays à celle d’une famille régnante, débouche inévitablement sur un brouillage peu opportun et peu démocratique entre l’État et la vie privée du chef de l’État.  C’est précisément pour éviter cette confusion que le projet alternatif pour une Constitution du Luxembourg élaboré par déi Lénk prévoit l’abolition de la monarchie et l’instauration d’une République dont la présidence, au rôle étroitement circonscrit et située au-dessus des partis, serait confiée à tour de rôle à une femme et à un homme issu.e du corps des citoyens ordinaires.