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COVID et politique de santé : un changement de direction s’impose

 

Dans presque tous les pays du monde, la pandémie du Coronavirus SARS CoV 2 a démontré de très importantes insuffisances dans les systèmes nationaux de santé.

 

Hors la Nouvelle-Zélande, seuls quelques pays d’Asie qui avaient été exposés de façon importante au risque épidémique du SARS CoV 1, cousin du virus causant la COVID en 2003 et ayant depuis poursuivi une politique de préparation intense aux pandémies dans un contexte général de développement sanitaire soutenu, ont su échapper à l’impact dramatique que nous avons connu en Europe.  Il faut noter que ces pays comme le Vietnam, Singapour et Taiwan ne comptent pas nécessairement parmi les pays le plus aisés.

 

Il est donc difficile de comprendre comment les riches pays européens, où l’on n’hésite pas depuis des décennies à dépenser des sommes colossales dans la défense et la sécurisation du secteur nucléaire-et ceci bien-entendu toujours au nom de la sécurité des citoyens-aient pu en arriver à un tel stade d’impréparation alors que les alertes se sont multipliées depuis les années 90.

 

Il y a là plusieurs raisons à approcher de plus près : la plus importante est tout simplement l’abandon des politiques de prévention sanitaire dans leur ensemble. En effet, au Luxembourg, la presque intégralité du discours de politique de santé est monopolisée par les thèmes de constructions d’hôpitaux lourds et coûteux aux dépens des soins de santé primaires d’une part et par l’expansion des paiements d’actes médicaux onéreux et peu efficaces d’autre part. La prévention des accidents, des maladies cardiovasculaires, du diabète, de l’obésité est revenue à un niveau anecdotique et amoindri en efficacité par des attitudes paternalistes et condescendantes, très loin des approches sociales et communautaires qui ont pourtant historiquement démontré leurs succès. Rappelons ici l’importance de ces pathologies comme facteurs de risque aggravants de la COVID-19.

 

Il ne faut donc pas s’étonner que faute de compétences et de financement suffisants, la prévention sanitaire s’est affaiblie au point de ne plus pouvoir accommoder la moindre mise-à-jour de la préparation pré-pandémique. En effet, le moment venu, l’absence de noyaux de compétence professionnelles et le peu de familiarité de larges secteurs de la population avec des notions et des attitudes de base en matière de prévention, rendent difficiles une réaction globale et soutenue de la société par rapport à la menace pandémique. Ce déficit structurel de pratiques nationales de prévention et le désintérêt flagrant d’agir sur les déterminants sociaux de la santé a enlevé tout incitation au sein des services de santé en vue d’entamer sérieusement un travail continu de préparation aux événements sanitaires catastrophiques comme la longtemps redoutée pandémie d’infection respiratoires. Les plans recommandés depuis des années par les autorités internationales restent figés dans l’unique perspective de la grippe aviaire.

 

A ce déficit s’ajoute le cloisonnement de la gouvernance de la politique de santé entre Ministère de la Santé, associations professionnelles, hôpitaux, où les discussions ne touchent jamais le contenu, mais toujours les financements. Ainsi, aucune planification détaillée quant aux conséquences économiques d’un confinement généralisé, permettant de réorganiser la vie économique et sociale rapidement, n’a songé à être mise en œuvre.

Observons que les seuls secteurs de la défense et du nucléaire déjà désignés ont pu bénéficier d’investissements constants en raison de la présence de complexes militaro-industriel ou industriel nucléaire, les investissements sociaux et organisationnels intéressant peu. A l’exception notable des domaines où se manifeste déjà le complexe médico-industriel, de la production de technologies onéreuses, peu ciblées et souvent inefficaces.

 

Au vu du coût astronomique de la pandémie, personne n’osera plus mettre en doute le bien-fondé économique d’une approche élargie de médecine préventive. Il devient urgent d’augmenter substantiellement le budget de la prévention vers au moins dix pour cent des dépenses de santé et d’élargir ses porteurs en changeant les formations et les pratiques professionnelles, y compris dans d’autres secteurs économiques que la seule santé.

 

Et surtout, arrêtons le pillage des ressources de notre planète et la destruction de la biodiversité, intimement liés à l’irruption des nouvelles maladies transmissibles.

Préparons-nous dès à présent aux dures conséquences de la crise climatique comme les inondations diluviennes et les vagues prolongées de chaleur qui n’épargneront personne à l’avenir

 

 

Michel Pletschette 24/08/2020