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Wallons-nous avec le CETA?

Captain Wallonia, alias Paul Magnette, est devenu en quelques jours, une véritable star mondiale. Détesté par les uns, adulé par les autres, il fut le porte-parole de ceux qui, en Europe et au-delà, refusent les diktats de la globalisation néolibérale. Les élites du monde entier se sont indignées contre cette “sous-région arrogante” qui prétendait que la globalisation capitaliste ne pouvait pas toujours avoir le dernier mot et que les peuples avaient encore quelque chose à dire… Sacrilège! Mais dans le concert international d’indignation bourgeoise, il y avait quelques voix discordantes qui soutenaient la position la Belgique francophone. On en trouvait même au Canada!


Un accord est finalement intervenu entre les « refuzniks » de la francophonie belge et le gouvernement fédéral, afin de permettre une signature du CETA, moyennant quelques amendements. A l’heure où nous terminons cet article, il n’est pas encore certain que l’accord puisse être signé entre le Canada et tous les États membres de l’Union européenne.

Mort du TTIP?



Il faudra encore analyser si les concessions obtenues par la Wallonie pour déterminer si elles réduisent effectivement la suprématie des multinationales sur les États, et si les services publics seront un tant soit peu protégés. Le CETA remanié constitue-t-il un arrêt de mort pour le TTIP, comme l’affirme Paul Magnette? Rien n’est moins sûr. Mais le combat récent montre que les certitudes capitalistes peuvent être ébranlées par les luttes des travailleurs et des citoyens. C’est la leçon majeure de cet épisode rocambolesque.


Car même si on ne peut pas parler de grande victoire pour les peuples et la démocratie, il faut reconnaître que la résistance citoyenne a réussi à mettre un grain de sable dans l’engrenage du Grand Capital. Et cela n’est pas négligeable.


La classe ouvrière belge et la gauche européenne sont mobilisés depuis de longs mois contre cet accord calamiteux, y compris au Luxembourg. Ce sont ces luttes qui ont porté leurs fruits. Fruits pas encore mûrs et un peu amers, mais fruits quand même.


Les résultats ne sont pas encore clairs. Ils sont encore moins définitifs. Ils ouvrent de nouvelles perspectives de lutte contre la mise en œuvre de l’accord ou ses effets sur le terrain.

Air nouveau ou nouvelle ère politique?



La saga du CETA ne peut en aucun cas être réduite à un accès de fièvre belgo-belge, comme ont tenté de le faire croire certains commentateurs, notamment Le Quotidien luxembourgeois qui titrait “Une crise belgo-belge” la veille de l’accord.
Cette vision occulte totalement un phénomène beaucoup plus large: celui d’une « gauche » réformiste en déroute dans toute l’Europe. Le Parti Socialiste français, le PSOE, le PASOK et bien d’autres se sont littéralement effondrés (d’une manière plus ou moins fracassante selon les cas). Le “virage à gauche” du Parti Socialiste de Belgique francophone sur le dossier CETA, mais aussi sur d’autres questions socio-économiques, doit être interprété dans ce contexte général, comme un réflexe de survie. Il y a également des facteurs liés au contexte politique belge, mais il s’agit en tout état de cause d’une sérieuse inflexion dans la ligne d’un parti qui avait considérablement glissé vers la droite en épousant les thèses libérales, durant ces dernières décennies.


Il n’est donc pas impossible qu’en Europe, d’autres partis de la gauche traditionnelle, après avoir trahi durant de longues années leurs électeurs, se ressaisissent, même timidement.


Cela ne doit pas nous bercer d’illusions ni nous jeter dans leurs bras. Mais, si nous en profitons pour amplifier nos luttes, cela pourrait constituer le début d’un commencement de changement dans les rapports de force. CETArrivé près de chez nous. Continuons le combat!