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To be or not to be – L’Europe à la croisée des chemins (2)

Le Fonds de résolution unique non implémenté au niveau du MES

 

Le Fonds de résolution unique (FRU) a été créé après la crise financière de 2008 dans le cadre de l’Union bancaire pour éviter que les États membres ne doivent subvenir une nouvelle fois aux difficultés des banques privées et que la spéculation contre les dettes publiques soit dès lors intensifiée. Ce sont les banques qui l’alimentent et il faut dire qu’il est actuellement modeste : 33 milliards d’euros pour garantir les 35 000 milliards d’euros du total des bilans des banques européennes.

 

Il était prévu que le MES pourrait se substituer au FRU si celui-ci ne suffisait pas, mais cet outil n’a pas encore été implémenté. Pour éviter qu’une nouvelle crise bancaire lèse une nouvelle fois les États membres et ne se répercute sur la qualité de leurs dettes publiques, il faudrait rapidement rendre opérationnelle cette réforme. Or elle n’est actuellement pas encore ratifiée par tous les États membres de la zone euro ; un seul État pourrait la bloquer.

 

 

L’action de la  BEI, une voie européenne ouverte dès à présent

 

La Banque européenne d’investissement (BEI) pourrait agir de deux manières:

 

  • d’une part relayer au niveau européen les facilités de trésorerie que les États accordent à leurs entreprises en difficultés via les banques publiques pour éviter qu’elles ne fassent faillite,
  • d’autre part augmenter ses prêts accordés aux PME.

 

La BEI pourrait lever l’argent nécessaire en émettant des obligations sur les marchés financiers. Cela reviendrait pratiquement au même que l’émission d’Eurobonds.

Encore faudrait-il que le capital de la BEI soit augmenté, s’il s’avère insuffisant, ce qui demanderait en revanche l’accord des pays récalcitrants à une solution européenne.

 

La BCE avec un rôle actuellement positif, mais limité par le traité de l’Union monétaire

 

Le 12 mars dernier, lors de l’annonce de la Banque Centrale Européenne (BCE) d’acheter jusqu’à la fin de l’année pour 120 milliards supplémentaires de dettes d’Etats et d’entreprises (en plus des 20 milliards injectés chaque mois), la présidente de la BCE a commis l’imprudence de répondre à un journaliste jugeant ce montant insuffisant, que « la BCE n’est pas là pour fermer les écarts de taux » (entre l’Italie et l’Allemagne notamment). Cela a provoqué une montée en flèche des taux d’emprunt de l’État italien et une menace d’implosion de la zone euro. Pour faire face, la BCE a décidé en urgence le 18 mars d’injecter encore 750 milliards d’euros supplémentaires dans l’économie européenne d’ici la fin de l’année. Ce qui portera à 1.110 milliards le montant des rachats d’obligations privées et publiques pendant l’année 2020, permettant aux États et aux entreprises de s’endetter massivement et à moindres frais pour faire face à la récession.

 

Tout ceci n’est pas nouveau. En effet, après  la crise financière de 2008, la BCE a racheté à tour de bras des titres d’emprunt des Etats de la zone euro pour en contenir la hausse des taux d’intérêt. Au 31 décembre 2019, 55% du total des actifs de la BCE, soit 250,4 milliards d’euros étaient des titres “détenus à des fins de politique monétaire”. La BCE a ainsi déjà monétisé et pris en charge une partie substantielle de la dette des États membres Au vu des 1110 milliards supplémentaires annoncés, ce montant va encore fortement s’accroître en 2020.

 

Ce n’est pourtant qu’à partir du moment où les autres États membres ont donné le feu vert au MES pour prêter à un État, que la Banque Centrale Européenne peut acheter de manière ciblée des titres de dette de cet Etat pour faire diminuer les taux d’intérêt demandés par les acheteurs éventuels. Cet outil des “Outright Monetary Transactions” n’est pas encore utilisé pour l’instant. Actuellement, la BCE ne peut acheter de la dette qu’en fonction de la part des États membres dans son capital. Ainsi elle doit par exemple acheter plus de dette allemande qu’italienne, ce qui est absurde, étant donné que ce sont surtout les États affaiblis qui ont besoin d’être secourus.

L’autre moyen majeur de la BCE pour renflouer l’économie en cas de crise est l’abaissement de ses taux directeurs, c’est-à dire la diminution des prix auxquels elle prête son argent aux banques, pour que celles-ci puissent à leur tour accorder des crédits à des taux plus faibles. Or les taux directeurs de la BCE sont déjà négatifs. Le 12 mars dernier, la BCE a encore abaissé ses taux directeurs jusqu’à -0,75 %, envoyant le message aux banques de prêter, de prêter et de prêter. Reste à savoir si les banques agiront dans ce sens ou si elles garderont cet argent pour couvrir leurs propres besoins.

 

On peut conclure que la BCE a bien du mal à protéger les États affaiblis et la zone euro dans son ensemble des marchés financiers, fixés sur la spéculation et les profits à court terme, et qu’elle est enfermée dans son carcan étroit défini par le traité de l’Union monétaire.
Quant aux États membres de la zone euro, ils n’ont aucune influence sur la BCE politiquement indépendante, à laquelle ils ont abandonné leur pouvoir de battre monnaie.

 

La Commission européenne qui ne sort pas des chemins battus

 

Le 2 avril dernier, la présidente de la Commission européenne (qui s’est aussi exprimée contre l’émission de “Coronabonds”), a proposé un paquet de 100 milliards d’euros pour financer le chômage partiel à l’échelle européenne. Madame von der Leyen est bien consciente qu’il faut une aide urgente, mais elle se garde bien de demander aux États nantis de mettre la main à la poche. En fait, ceux-ci ne devraient pas payer, mais simplement garantir chacun une partie de cette somme. La Commission pourrait alors sur cette base emprunter de l’argent sur les marchés financiers et accorder des crédits à faibles taux d’intérêts aux États qui en auraient besoin.  Cette proposition esquive donc elle aussi la solidarité européenne : si elle était acceptée, elle conduirait à un endettement supplémentaire des États affaiblis.

 

Guy Foetz 05/04/2020