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Regard critique sur le programme économique de Jean-Luc Mélenchon

Nous publions ci-dessous une contribution critique sur le programme économique de Jean-Luc Mélenchon. Il est certes utile de se pencher sur cet aspect du programme du candidat de la France insoumise. Il nous semble pourtant qu’il faut préalablement analyser la campagne de Mélenchon dans son ensemble, en prenant en compte son programme aussi bien que la mobilisation déclenchée par la campagne et les perspectives qu’elle a ouvertes. Et ensuite qu’une critique du programme économique mériterait d’être beaucoup plus équilibrée et moins unilatéralement négative. Nous publions néanmoins ce texte comme contribution à la discussion. Le Comité de rédaction

Qui connaît réellement le programme économique du candidat de la « France insoumise »? Élément clé d’une politique gouvernementale, ce point du programme sera déterminant pour le succès ou la déroute d’un futur président de gauche. L’expérience de Syriza nous a démontré qu’une confiance aveugle peut très vite mener à la catastrophe et que des analyses critiques sont recommandées.

L’objectif déclaré est la relance de l’économie par un emprunt de 100 milliards d’euros et une hausse des dépenses publiques. Un taux de chômage de 6,2% est envisagé pour la fin du mandat (ce qui est supérieur au taux actuel des États-Unis et de l’Allemagne). Le salaire minimum serait augmenté de 15% et porté à 1326.-€ net par mois. La retraite serait fixée à 60 ans après 40 ans de cotisations. En fait, c’est déjà tout ou presque! A part une baisse de l’impôt sur les sociétés de 33 à 25%, il n’y a rien de spectaculaire. Le programme de l’homme de la providence se résume à une banale orientation néo-keynésienne et est bien moins radical que le programme de l’union de la gauche en 1981 sous Mitterrand!

Le problème me semble que Mélenchon est perçu comme un sauveur suprême, un tribun du peuple qui cristallise les espoirs de la classe ouvrière avec des discours radicaux à la Danton ou Robespierre, souvent sur des questions secondaires, mais qui en substance est seulement porteur d’un projet social-démocrate extrêmement limité, servi à la sauce nationaliste de la révolution française, qui, grâce à son panache, a su déclencher une dynamique réelle chez le peuple de gauche, mais sans aucun rapport avec le contenu réel de son programme.

Les résistances de la société capitaliste sont criminellement sous-estimées. Aucune leçon de la débâcle grecque n’est tirée par l’équipe de Mélenchon. De même l’obstruction de l’UE, de l’Allemagne et des marchés internationaux est totalement négligée. Mélenchon pense contourner le problème avec des phrases comme: «le problème, c’est la rente, ce n’est pas l’entreprise», pour faire la séparation entre le méchant «capitalisme financier» et le bon «patron producteur» et créateur d’emplois, reprenant les mythes de la séparation entre finance et production. Son programme ne permet pas de rompre avec la logique du marché et nourrit les illusions d’une cohabitation possible entre économie du profit et économie solidaire. C’est une pure illusion. Si Mélenchon prenait des mesures fiscales et sociales susceptibles de peser sur les profits des grands groupes industriels français, il devrait faire face directement à des résistances massives, comme la fuite des capitaux, l’augmentation des taux d’intérêt de la dette, la grève d’investissements, le boycottage du FMI, etc…

Les grandes marques du programme économique et politique de Mélenchon sont donc les incursions dans la propriété capitaliste et la mobilisation populaire. En ce qui concerne la question stratégique des banques, il parle seulement d’un pôle public bancaire, sans toucher à l’essentiel des banques privées. Quant à la mobilisation ouvrière, elle ne se décrète pas, mais elle se construit. Les travailleurs ne défendront qu’un pouvoir qui aura su améliorer immédiatement leurs conditions de vies, qui aura manifesté la volonté d’un changement radical de la société. Des réductions massives du temps de travail, des augmentations importantes de salaire, les interdictions de licenciements, le contrôle des mouvements de capitaux et la socialisation du système bancaire sont les éléments fondamentaux pour indiquer la direction et démarrer les mobilisations. Si Mélenchon avait voulu éviter de prendre le chemin de Hollande (et de Tsipras) après une éventuelle victoire, il aurait dû se préparer à un affrontement avec le capital.