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Le congrès du PGE et les défis de 2017

Le Parti de la gauche européenne (PGE) a tenu son 5ème congrès à Berlin en décembre 2016. Le PGE rassemble des partis de la gauche radicale dans presque tous les pays membres de l’Union européenne (dont déi Lénk au Luxembourg) et dans plusieurs pays qui n’en font pas partie, notamment la Biélorussie, la Moldavie et la Suisse. Tout en respectant l’indépendance des partis membres, qui prennent leurs propres décisions politiques, le PGE s’efforce d’agir sur la scène européenne comme un vrai parti et de prendre des initiatives.

Les congrès du PGE se suivent et ne se ressemblent pas entièrement. Le 3e congrès en 2010 a dû tirer des leçons de la crise de 2008-09. Le 4e en 2013 avait déjà vu la crise de la zone euro, les crises de la dette souveraine et les «plans de sauvetage» (Grèce, Portugal, Irlande, Chypre). Et même si les trois derniers sont sortis des dits plans, il faut savoir que le Portugal, par exemple, verse chaque année 8 milliards d’euros en intérêts sur sa dette – environ 4% de son PIB.

Beaucoup d’événements se sont passés depuis le congrès précédent en 2013, mais ce qui a sans doute le plus marqué les esprits, c’est la Grèce. Les événements de 2015 ont jeté une lumière crue sur l’écart entre les «valeurs qui prétendaient fonder l’Union européenne», pour reprendre les termes du document politique adopté par le congrès, et la réalité. La façon, dont les institutions européennes ont imposé brutalement une politique d’austérité et des réformes néolibérales sur le gouvernement élu par le peuple grec, a posé pour beaucoup la question de comment agir pour que de telles choses ne se répètent pas ailleurs.

Le document politique adopté après des mois de discussion, et de nombreux amendements, représente un progrès. La première partie contient une analyse approfondie de la crise de l’Union européenne sur les plans économique et politique. Le document souligne la gravité d’un phénomène qui n’est pas totalement nouveau, mais qui est devenu plus grave ces dernières années, à savoir la montée dans une série de pays de forces de droite et d’extrême droite nationalistes, dont de véritables mouvements fascistes. Il traite aussi de la question des migrants et du «mélange d’impuissance et d’abjection» qui a caractérisé l’UE et la plupart des gouvernements face à cette crise.

Il est à signaler aussi que le document se prononce très clairement pour rejeter le capitalisme et affirmer la nécessité d’un socialisme démocratique et écologique. Cela peut sembler un peu abstrait: nous ne sommes guère à la veille de transformations socialistes. C’est pourtant important d’affirmer que l’Europe que nous voulons, sur les plans économique, démocratique, écologique, n’est pas compatible avec le capitalisme.

Le thème du congrès était «construire des alliances» et le document affirme le besoin de faire cela de la manière la plus large possible, ce qui correspond, par ailleurs à la pratique quotidienne des partis dans leurs différentes campagnes.

Le PGE cherche à prendre des positions de manière consensuelle. En ce qui concerne les différentes facettes de la crise européenne et la critique des institutions européennes, cela ne pose pas trop de problèmes. Quand il s’agit de définir nos perspectives d’action, c’est plus compliqué. Bien sûr, il y a une très large plage d’accord sur une série de questions qui concrétisent notre opposition à l’Europe néolibérale: opposition aux accords dits de «libre échange» comme le TTIP et le CETA, défense des droits des migrants, contre le dumping social et fiscal, contre la militarisation rampante, que ce soit sous l’égide de l’OTAN ou la perspective pas encore concrétisée d’une armée de l’Union européenne. Mais quand on arrive à définir comment combattre l’UE néolibérale et par quoi la remplacer, il existe des divergences.

Il est déjà loin le temps, il y a une dizaine d’années, où on pouvait se satisfaire de déclarations du genre «une autre Europe est possible», «il faut une Europe sociale», etc. Même l’affirmation du PGE qu’il ne s’agit pas de réformer l’Union européenne, mais de refonder l’Europe demande à être précisée. Le débat sur ces questions a eu lieu pendant les mois de préparation et dans le congrès lui-même. Certains partis affirment la nécessité d’arriver au pouvoir dans les Etats nationaux et à partir de là de contester l’UE néolibérale, les traités, la dette. D’autres cherchent plutôt à trouver des moyens d’agir au niveau européen. Les deux voies ne sont peut-être pas complètement contradictoires, mais elles sont bien différentes.

Le document politique a été adopté par plus de 80% des délégués au congrès. Ensuite, Gregor Gysi, dirigeant très connu de Die Linke en Allemagne, a été élu président du PGE. Pierre Laurent, dirigeant du Parti communiste français, qui avait été président pendant six ans, continuera son engagement en tant qu’un des quatre vice-présidents.

Le congrès terminé, le PGE et les partis nationaux sont confrontés aux défis de 2017. Certains événements en 2016 sont arrivés trop tard pour être bien analysés. C’est surtout le cas de l’élection de Donald Trump. Quant au Brexit, c’est une histoire qui ne fait que commencer et qui sera un facteur de crise, non seulement au Royaume-Uni, mais pour toute l’Union européenne.

Les deux pays les plus importants de l’Union verront en 2017 des élections qui sont tout sauf banales, et où la gauche radicale est confrontée non seulement aux forces de «l’extrême centre», celles qui portent les politiques d’austérité, mais à des forces d’extrême droite, le Front national en France et l’AfD en Allemagne. Dans les deux cas il s’agirait de combattre ces forces tout en se démarquant des partis néolibéraux qui ont nourri leur ascension. En Allemagne, Die Linke sera confrontée à trois élections régionales et aux législatives. En France les trois partis du PGE – le PCF, le Parti de gauche et Ensemble – sont engagés dans la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon. Ce qui peut se passer dans d’autres pays, notamment l’Italie, est moins prévisible, mais les élections françaises et allemandes modifieront, d’une manière ou d’une autre, les rapports de forces en Europe.