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Gestion des demandes de visas pour le Luxembourg: une privatisation de plus!

Jusqu’à récemment, les ressortissants égyptiens désireux d’obtenir un visa pour le Luxembourg devaient s’adresser à l’ambassade de Belgique au Caire. Or depuis le 14 novembre 2016, la gestion des demandes a été cédée en sous-traitance à une société privée basée au Caire.

La multinationale TLScontact, spécialisée dans la gestion de «centre de contact en face à face» est chargée d’accueillir tout demandeur de visa pour la Belgique et le Luxembourg dans ses bureaux au Caire, le seul dans tout le pays. Elle est chargée de gérer toute la procédure de demande de visa et de récolter les documents demandés ainsi que les passeports et les empreintes digitales. De nombreux témoignages rapportent un service déplorable.

Le site internet, exclusivement consultable en anglais, est particulièrement difficile d’utilisation. Même pour les internautes chevronnés habitués à un anglais administratif et à ce type de procédure (enregistrement, création d’un compte etc.) le site se révèle particulièrement nébuleux pour obtenir les informations nécessaires et un rendez-vous pour déposer sa demande.

Sur place, les demandeurs se trouvent face à des employés visiblement mal formés (un comble pour le «spécialiste mondial de la gestion externalisée des services de relation clients requérant un contact en face-à-face») et qui réclament des documents supplémentaires non mentionné sur le site ou des copies supplémentaires qui sont facturées à des tarifs prohibitifs. En plus du prix de la demande  (60 euros pour un visa courte durée), la société réclame 450 livres égyptiennes (environ 25 euros!) pour ses frais administratifs. Dans un pays ravagé par une crise économique et financière, se sont des sommes conséquentes, en plus des trajets effectués pour déposer la demande (Alexandrie est à 3h de train, Assouan à plus de 10h). Et à chaque document manquant, la seule option proposée est de revenir le déposer en personne… On comprend alors la rage et le désespoir des personnes présentes quand il s’agit d’un document non mentionné sur le site…

Sous-traitance d’un service étatique

Le député de déi Lénk David Wagner, interpellé par cette situation, a interrogé  le ministre des affaires étrangères et de l’immigration, Jean Asselborn, via une question parlementaire. Les réponses aux quatre questions, reçues le 23 mars 2017 ne manquent pas de cynisme. Le ministre confirme bien entendu que la gestion des demandes de visas au Caire a bien été cédé par l’ambassade de Belgique à une société privée mais se défend que «la délivrance des visas se fait dans les règles déterminées par le pays représentant» et que l’option de la sous-traitance à une société privée est «prévue par l’article 43 du code communautaire des visas Schengen».

A la question soulevant la question des frais supplémentaires directement encaissé par la société, le ministre répond  que «le demandeur de visa a toutefois toujours l’alternative de faire les démarches directement au consulat». Affirmation totalement erronée, toutes les démarches se font obligatoirement dans les bureaux de cette société, le site internet de l’ambassade ne mentionne même plus aucune information concernant les visas: frais de délivrance, délais… Toutes les informations sont sur le site du sous-traitant.

Le député de déi Lénk avait aussi demandé des précisions à propos des autres pays et il apparaît que cette pratique est très répandue, de la part des représentations belges au Pakistan, au Nigeria, au Vietnam… mais aussi des consulats du Luxembourg en Inde et en Turquie.

Ayant également soulevé la nature sensible des données récoltées, le ministre répond que «l’encryptage et la transmission de données sensibles font l’objet de contrôles réguliers notamment par des missions d’évaluations effectuées inopinément par la commission européenne»… Quel aberration! On imagine en effet tout à fait la commission européenne régulièrement envoyer ses fonctionnaires au Caire ou à Mumbai effectuer des missions de contrôles dans les bureaux de ces nombreuses société privées…

L’éternelle question de la sous-traitance de services étatiques est encore une fois posée ici dans cette affaire. On imagine les juteux contrats obtenus par une multinationale comme TLScontact auprès des différentes ambassades, et les revenus conséquents pour rendre leur «service administratif». Le ministre dis lui -même qu’il s’agit d’offrir «une meilleure couverture consulaire» et de «traiter les dossiers dans un délai plus raisonnable». Visiblement ce n’est absolument pas le cas au Caire, et en plus de rendre le coût de la demande encore plus onéreux, c’est avant tout la société sous-traitante qui est gagnante… Engager du personnel supplémentaire dans les consulats et organiser le service pour offrir un accueil digne aux demandeurs de visa dans les pays concernés est une solution certainement bien moins coûteuse et respectueuse des exigences minimales d’accueil des demandeurs et de protection des données. Mais c’est bien tout le contraire de la ligne politique de la «forteresse Europe» qui laisse régulièrement mourir des milliers de migrants en méditerranée…