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Une conférence marquante

Pendant le weekend des 19-20 novembre une conférence importante à eu lieu à Copenhague, intitulée « Pour un Plan B en Europe ». Co-organisée par l’Alliance rouge et verte du Danemark et le Parti de gauche de Suède, elle a rassemblé plus de 250 participants, venus de tous les pays d’Europe occidentale et méridionale, ainsi que de Pologne et de Slovénie.

C’était la suite de deux conférences organisées dans les premiers mois de cette année à Paris et Madrid. L’initiative est venue de Jean-Luc Mélenchon du Parti de gauche en France, avec le soutien notamment de Zoé Konstantinopolou, ancienne présidente du Parlement grec et d’Oskar Lafontaine. Les deux premiers ont pris la parole à Copenhague.

La référence au Plan B découle de l’expérience grecque en 2015. Celle-ci a montré d’abord la brutalité à laquelle les créanciers de la Grèce – les institutions européennes et le FMI – étaient prêts à recourir pour obtenir la soumission du gouvernement d’Alexis Tsipras. Il faut signaler tout particulièrement le rôle de la Banque centrale européenne qui a commencé a fermer le robinet monétaire dix jours après la victoire électorale de Syriza. Ensuite il s’est révélé que le gouvernement grec n’avait pas préparé les moyens de riposter à cette offensive, donc pas de « Plan B ». Cette expérience  a fait réfléchir beaucoup de partis et militants de gauche en Europe. En Grèce, bien sûr, les militants qui ont quitté Syriza en 2015, mais aussi ceux qui sont restés dans ce parti. Mais aussi partout en Europe, où des partis de gauche cherchent à voir comment éviter que de futures expériences de gouvernement de gauche ne se terminent  de la même façon.

Pourtant, pour les participants à la conférence il était clair qu’il faut commencer non pas par un Plan B, mais par un Plan A, c’est-à-dire un plan qui part de la résistance contre les attaques aux droits de travail et aux droits sociaux qui conduisent à la remise en cause de l’Etat social, contre les privatisations et la marchandisation de la société. Un plan qui part des besoins des couches populaires, des salariés, des pensionnés, des jeunes et qui traite de l’emploi, des salaires, des allocations sociales, du logement, des services publics, de la fiscalité, du contrôle public de la finance et des secteurs clés de l’économie. Et par le combat pour un gouvernement qui appliquera ce programme.

Il est clair que tout programme, comme le programme dit de Thessalonique en Grèce, rencontrerait la résistance farouche des défenseurs du néolibéralisme aux niveaux national et européen. Mais il y a une dimension spécifiquement européenne. C’est particulièrement le cas en ce qui concerne la zone euro. Il n’y a aucune raison de penser que n’importe quel gouvernement de gauche ne serait pas confronté aux mêmes méthodes que celles utilisées en Grèce. Et on ne voit pas comment un gouvernement de gauche qui ne contrôle pas sa monnaie puisse mener une politique indépendante. D’autant plus que la monnaie des pays de la zone euro est sous le contrôle d’une Banque centrale européenne qui est indépendante de tout contrôle démocratique – mais pas des marchés financiers.

C’est pourquoi une partie importante de la conférence était consacrée à la question monétaire. Il y a eu des débats d’un très haut niveau, avec la participation entre autres de Costas Lapavitsas, professeur d’économie et ancien député de Syriza, Fabio de Masi, député européen pour Die Linke et Catarina Martins, coordinatrice du Bloc de gauche portugaise. Tous les intervenants – et sans doute la grande majorité de participants – étaient d’accord qu’il fallait dans ces conditions sortir de la zone euro  et restaurer une monnaie nationale. Pas comme un but en soi, mais pour pouvoir mener une politique de gauche. Pourtant la réflexion ne s’est pas arrêtée là, il y a eu des débats pour savoir par quoi on pourrait remplacer l’euro, entre autres l’idée d’une monnaie commune (mais pas unique), articulée avec des monnaies nationales.

Si la sortie de la zone euro fait largement consensus, celle de l’Union européenne  prête à plus de discussions. Il faut dire par ailleurs que deux des pays dont les forces de gauche ont participé à la conférence ne sont pas membres de l’Union européenne : il s’agit de la Norvège et de l’Islande (où la délégation du Mouvement rouge-vert, qui avait aidé  à mettre la conférence sur pied,  a été retenue à Reykjavik  à cause de la situation politique en Islande). Mais la plupart des partis venaient des pays membres de l’UE. A part les parts danois et suédois, il y avait notamment le Parti de gauche et le mouvement Ensemble de France, le Bloc de Gauche portugais, Podemos d’Espagne, Sinistra Italiana, l’Alliance de gauche de Finlande.

La question de l’Union européenne ne se pose pas d’exactement de la même façon que celle de la zone euro. On peut penser que l’Union européenne  actuelle n’est pas réformable, ou pour le moins que sa réforme équivaudrait à sa transformation totale. Un gouvernement de gauche rentrerait certainement en conflit avec la Commission et sans doute la Cour européenne de justice. Mais il s’agirait d’un conflit politique, sans que les institutions européennes aient les moyens de chantage que l’euro donne à la BCE. On pourrait donc pour une période plus au moins longue mener le combat, dont l’issue dépendrait du nombre de pays qui contesteraient les règles de l’UE et de l’ampleur de la solidarité internationale. On ne peut pas avoir une garantie de ne pas être exclu de l’UE. Mais on peut par exemple commencer, comme le propose Jean-Luc Mélenchon dans la campagne présidentielle en France, par contester les traités européens et exiger leur renégociation radicale.

Ce qui a commencé comme une simple conférence il y a moins d’un an commence à avoir une certaine structure et une certaine dynamique. La conférence de Copenhague a été très bien organisée, aussi bien dans son contenu politique que dans son fonctionnement. La déclaration finale a été signée par des représentants de partis danois, suédois, français, espagnols, italiens, portugais et par Fabio de Masi.

La prochaine conférence aura lieu à Rome en mars 2017, donc 60 ans après la signature du Traité signé dans cette ville. Elle peut très bien s’élargir par rapport à celle de Copenhague. Un vent parmi d’autres, mais qui peut souffler fort.