La permaculture et la résistance main dans la main en Palestine

Interview du docteur Mazin Qumsiyeh

La permaculture et la résistance main dans la main en Palestine

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Chercheur en génétique, Mazin Qumsiyeh est le directeur général et le coordinateur de la recherche du Musée palestinien d´Histoire naturelle et de l´Institut palestinien de biodiversité et de durabilité, deux Instituts qui appartiennent à l´Université de Bethlehem. A côté de cela et des cours qu´il tient aux Universités de Bethlehem et de Birzeit, le docteur Mazin Qumsiyeh s´engage dans la résistance non violente et préside le Centre palestinien pour le rapprochement entre les peuples. Il est notamment actif dans les médias et dans l´éducation publique comme outil de renforcement des capacités, en particulier des jeunes.

Interview avec le docteur Mazin Qumsiyeh. Bethlehem, Palestine occupée.

Initialement publiée dans la revue «Brennpunkt» n° 295 de l‘ASTM

Pouvez-vous expliquer la relation entre la colonisation et le développement de la Palestine?

Bien sûr. Le projet sioniste de coloniser la Palestine a impliqué de transformer un pays en une version européenne; l´Etat juif d´Israël. L´idée était de faire immigrer des juifs européens ici, d´établir des colonies en Palestine. L´effet de ceci sur les populations locales est évidemment que ceux-ci ne veulent pas de cela (l´immigration). Ils (les nouveaux-venus) voulaient la terre mais sans le peuple. Mais ils voulaient également transfigurer le paysage afin de correspondre à leur idée d´un pays européen. Ainsi ils ont planté des arbres européens par exemple. Concernant les populations locales, ils n´étaient pas désirées et c´est ainsi que la majorité d´entre nous ont fini par devenir réfugiés.

Un processus intentionné de dé-développement

Maintenant, ceux, qui restent encore, comme moi, je suis en Cisjordanie, sont sous-développés. Il y a un processus, un processus intentionné, de dé-développement, de réduire notre développement, afin de nous empêcher d´avoir une économie ici, d´accaparer toutes nos sources de revenus , comme l´agriculture et le tourisme. Ainsi tout cela est pris par Israël. Par exemple, dans l´agriculture, l´eau et la terre ont été accaparées et ainsi, pour les locaux, il ne reste plus d´espace à développer et plus de ressources naturelles à utiliser.

Pouvez-vous en dire plus sur ce projet de dé-développement?

Quelles sont les sources de revenus dans n´importe quel pays? Ce sont les ressources à utiliser telles que l´agriculture, le tourisme, l´industrie, les services, les ressources naturelles productives et ainsi de suite. Toutes ces choses sont liées à la nature du gouvernement. Par exemple, Israël accapare les ressources naturelles donc nous ne pouvons pas utiliser celles ci pour l´agriculture. Nous n´avons pas assez d´eau pour cultiver des jardins verts. Israël a pris cela. Aussi, au niveau du tourisme, le dé-développement du tourisme se passe parce que Israël a créé un conflit et même s´il y a des touristes qui viennent, comme ici à Bethlehem, pour voir l´église de la nativité, seuls les guides israéliens les accompagnent ici et ils viennent pour une ou deux heures et puis ils repartent. Ils ne laissent pas leur argent ici.

Des ressources publiques accaparées

Le secteur du tourisme a été repris par Israël. Le secteur de l´industrie, nous avons du mal à le développer car tout doit passer par les systèmes israéliens d´import et export et Israël ne nous permet pas d´importer l´équipement industriel nécessaire. Au niveau de l´éducation, bien sûr, l´éducation est liée à l´économie. Il y a des atteintes au droit à l´éducation. Moi en tant que professeur à l´université je ne peux pas remplir ma fonction comme un professeur dans une université européenne. En venant aux cours, mes étudiants doivent passer par des checkpoints donc je dois être clément envers eux. L´éducation souffre et l´économie souffre. Israël interfère dans les aspects de notre vie en Palestine. Peut être que nous pouvons encore respirer l´air mais même celle-là est en train d´être polluée par les industries dans les colonies israéliennes. Tous les aspects que ce soit notre eau, notre terre, nos mouvements, notre religion, nos droits religieux, tout est affecté par l´occupation.

L´importance de l´eau dans un projet colonial

93 % de l´eau de la Cisjordanie est contrôlée par Israël. Nous avons le droit d´utiliser 7 % de notre propre eau. Et même celle-là, nous devons la payer à Israël. Le reste remplit les besoins des colons israéliens qui vivent sur la terre palestinienne volée.

Combien de terres et d´espace reste-t-il pour les paysans palestiniens?

Ce que nous essayons de faire ici dans la station de recherche agricole que nous sommes en train de développer ici au jardin botanique, est de montrer aux paysans des méthodes d´agriculture intensives à la sensibilité écologique. C´est ce que l´on appelle couramment la permaculture. La permaculture permet de cultiver beaucoup sur un terrain très restreint et avec peu d´eau. Ceci permet de gérer la situation mais ce n´est pas la solution à la crise à laquelle nous faisons face. Cette crise est une crise créée par les hommes, c´est un projet israélien de priver les palestiniens de leur vie et leurs moyens de subsistance. Beaucoup de paysans ont délaissé leurs terres. Avant 1967, 70 % de l´économie palestinienne dépendait de l´agriculture, 70 % des emplois étaient dans le secteur de l´agriculture. Maintenant, c´est moins de 20 %. La raison pour cela est ce projet intentionnel de priver les paysans de leurs terres, de l´eau et d´autres ressources pour ainsi leur rendre la vie difficile.

Que deviennent les paysans palestiniens qui se trouvent dans l´obligation de quitter les champs?

Ils doivent aller travailler dans les colonies israéliennes ou dans les fermes agricoles, voire dans la construction du mur. Ce sont des paysans qui ont quitté les terres qui travaillent maintenant dans ces secteurs parce qu´ils doivent bien nourrir leurs familles.

Que pensez-vous de l´argument „les palestiniens seront les premiers à souffrir de la campagne BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions) “?

Cet argument a également été utilisé contre la campagne BDS en Afrique du Sud. Mais ce furent les Noirs en Afrique du Sud qui ont appelé pour le désinvestissement. Et nous, palestiniens, avons appelé pour le désinvestissement. Des centaines d´organisations de la société civile ont lancé l´appel.

Et c´est clair que nous préférons avoir la liberté que de recevoir des miettes de pain.

Et c´est clair que nous préférons avoir la liberté que de recevoir des miettes de pain de quelques ouvriers dans les colonies industrielles israéliennes qui ont été développées sur la terre palestinienne volée et qui polluent notre environnement. Donc je préfère souffrir plus pour avoir ma liberté que de continuer à souffrir avec des miettes qui descendent de l´économie israélienne.

Liens:

https://www.youtube.com/watch?v=FgfVaXxcGPU

www.palestinenature.org

http://popular-resistance.blogspot.lu

www.astm.lu