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La gauche européenne en 2014

 

 

 

Dans six mois, presque jour pour jour, il y aura les élections pour le Parlement européen. Ce parlement a des pouvoirs assez limités, bien qu’aujourd’hui il en ait un peu plus qu’avant. Jusqu’ici, les citoyens-électeurs européens lui ont accordé de moins en moins d’importance. De 1979 à 2009, le taux de participation au niveau européen est tombé de 62% à 42,9%. Cette désaffection s’explique sans doute essentiellement par les faibles pouvoirs du parlement, l’essentiel des décisions étant pris par la Commission européenne et le Conseil, qui réunit les gouvernements.  Pourtant les électeurs ont souvent utilisé cette consultation soit pour voter pour des partis qui avaient peu de chance de se faire élire aux élections nationales – les Verts dans plusieurs pays ou encore l’UKIP en Grande-Bretagne, soit pour envoyer un message politique fort. Le score du PS français en 1994, à 14,5%, a effectivement mis fin à la carrière politique de Michel Rocard.
Cette fois-ci, il se peut bien que les élections conduisent à un résultat qui sera marquant non seulement au niveau de tel ou tel pays mais à celui de l’Europe. Ouvrez n’importe quel journal, écoutez n’importe quelle émission de télévision et vous l’entendrez: tout le monde ou presque prédit une percée des forces dites populistes, anti-européennes ou pour le moins eurosceptiques: le parti de Geert Wilders aux Pays-Bas, le Front national en France, l’UKIP et tant d’autres. Au-delà de leurs différences, il s’agit de forces de droite et d’extrême droite; il vaut mieux les appeler comme cela, plutôt que d’utiliser ce vague terme de «populiste» que certains appliquent aussi à la gauche radicale selon les besoins. Ces partis font campagne contre l’Union européenne au nom d’intérêts nationaux. Ils mélangent une opposition démagogique à l’austérité, le refus de l’euro, une dénonciation des pouvoirs exorbitants de Bruxelles et un discours anti-immigré, raciste, xénophobe.

„Au-delà de leurs différences, il s’agit de forces de droite et d’extrême droite; il vaut mieux les appeler comme cela, plutôt que d’utiliser ce vague terme de «populiste» que certains appliquent aussi à la gauche radicale selon les besoins. „

Pour comprendre pourquoi ces forces politiques parviennent à atteindre leur audience actuelle, il faut situer ces élections dans le cadre de la crise financière et économique qui frappe le monde, et l’Europe tout particulièrement, depuis 2008. Aux dernières élections en 2009, la crise était déjà là, mais ni son ampleur ni sa durée n’étaient encore évidents. Depuis, nous avons connu cinq années d’austérité, de réformes structurelles, d’attaques contre la démocratie. Pour certain pays, cela a été vraiment dramatique. En Grèce surtout, mais aussi au Portugal et en Espagne, le chômage a explosé, surtout parmi les jeunes, et les fondements de l’Etat social sont en train d’être dynamités. Mais l’offensive antisociale se poursuit partout. Le «pacte fiscal» et les mesures qui l’accompagnent visent à enfermer tous les pays dans une politique austéritaire. Et tout cela se mène sous l’égide de l’Union européenne et de sa Commission, laquelle, avec la Banque centrale européenne et le FMI, composent la sinistre Troïka qui soumet des pays entiers à la misère. Ce faisant, ils donnent des armes aux démagogues de droite pour mener leurs campagnes xénophobes.

C’est dans ce cadre que le Parti de la gauche européenne (PGE), dont déi Lénk fait partie, va mener la campagne la plus large possible pour les élections de mai 2014. Puisque les dirigeants européens cherchent à donner un peu plus de légitimité au Parlement européen en autorisant les partis à soumettre au suffrage universel leurs candidats au poste de son président, le PGE va en profiter. Nous proposons comme candidat Alexis Tsipras, dirigeant de Syriza en Grèce. Cela nous permettra de mettre au centre de notre campagne la situation dramatique du peuple grec, mais aussi leurs multiples formes de résistance. Et de montrer que dans leur combat, ils ne sont pas seuls. Dans une tribune du quotidien britannique The Guardian du 27 novembre, Alexis Tsipras écrit que sa candidature est «motivée par notre volonté de réunifier l’Europe et de la reconstruire sur une base démocratique et progressiste ». Il s’agit bien de réunifier l’Europe, car elle est de plus en plus divisée par ceux dont les discours parlent sans arrêt de toujours plus d’unité… Divisée et désarticulée par l’austérité, les réformes antisociales, les attaques contre la souveraineté populaire. Derrière leurs discours, les divisions se creusent: entre Nord et Sud, Est et Ouest, nationaux et migrants, vieux et jeunes.

„Il s’agit bien de réunifier l’Europe, car elle est de plus en plus divisée par ceux dont les discours parlent sans arrêt de toujours plus d’unité…“

Ce n’est bien sûr pas la droite anti-européenne qui combattra ces divisions. D‘ailleurs, il est assez comique de voir leurs tentatives de s’unir le temps de ces élections, à l’image de la conférence de presse de Wilders et Le Pen, alors que tout leur programme mettrait les nations et les peuples d’Europe les uns contre les autres.
Ce sera donc à la gauche radicale, la gauche qui conteste l’Europe actuelle, de se battre pour unifier l’Europe sur d’autres bases. Nous refusons une Union européenne construite pour défendre les intérêts du capitalisme financiarisé. Tout son fonctionnement, les traités, les lois, les directives, les structures sont destinées à cela.  Nous voulons, nous, refonder l’Europe dans l’intérêt des peuples, faire une Europe sociale, démocratique, qui mette les besoins humains avant les profits, qui brise la mainmise de la finance, qui mette l’économie au service des populations, des salariés, des jeunes, de retraités.
Dans ce combat nous ne partons pas de rien. Le PGE a moins de dix ans, mais il comporte des partis avec des vrais racines dans leurs pays. En Grèce, Syriza est en tête des intentions de vote. Il y a des partis solidement implantés en Espagne, au Portugal, en France, en Allemagne. Et les derniers résultats électoraux de nos amis de l’Alliance rouge et verte au Danemark montrent que ce n’est pas seulement en Europe du Sud que la gauche peut progresser.
Alors faisons en sorte que la grande nouvelle des élections de mai prochain ne soit pas la progression des forces mortifères de l’extrême droite, mais celle de la gauche de transformation sociale.