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Des jeux pas gays mais complètement givrés

 

Avant même de commencer, les Jeux olympiques d’hiver de Sotchi avaient battu un record: celui des JO les plus chers de l’histoire. 50 milliards de dollars, alors que les pouvoirs publics russes sont mis à la diète, notamment dans les services de santé où il y a des pénuries graves de personnel et même d’ambulances !

2ème « médaille » pour la Russie de Poutine : l’homophobie. Votées en juin 2013, les lois homophobes « interdisant toute propagande homosexuelle parmi les jeunes » ont suscité une vive indignation parmi de nombreuses organisations de défenses des droits des LGBTQI (Lesbiennes, Gays, Bisexuels, Transgenres, Queers, Intersexes) à travers le monde, certaines appelant au boycott des Jeux de Sotchi.

Des élus européens se sont eux aussi montrés inquiets et « demandent » par ailleurs à la Russie d’abroger la loi. La question des discriminations envers les homosexuels était jusqu’à présent simplement ignorée par le pouvoir russe. Les JO ont obligé le maire de Sotchi et Poutine lui-même à sortir de leur silence, soit en nous expliquant qu’il n’y avait pas de problème, soit d’une manière encore plus stupide en déclarant que « les homosexuels sont les bienvenus à Sotchi, à condition qu’ils laissent les enfants tranquilles »… Toujours est-il que les députés russes se préparent à débattre très bientôt d’une nouvelle loi anti-gay qui retirera leurs droits parentaux aux homosexuels en raison de leur orientation.

Entre stupidité poutinienne et hypocrisie européenne

De leur côté, l’Union européenne et Coca-Cola mènent une même politique hypocrite. La célèbre boisson gazeuse qui sponsorise les JO a récemment dévoilé une campagne de pub « gay-friendly » mais se tait dans toutes les langues sur les lois discriminatoires russes. Quant à l’Union européenne, ses dirigeants donnent des leçons de morale à Poutine alors qu’ils mettent en place et votent des politiques tout aussi réactionnaires et antisociales, comme l’illustre la loi anti-avortement récemment passée en Espagne ou encore le fait que près de 30 % des Grecs sont actuellement sans aucune couverture sociale.

Larbins crétins

L’esprit olympique n’a pas vraiment dopé le sens critique des journalistes. Au contraire, les commentateurs sportifs français rivalisaient dans leurs « disciplines » de prédilection :
1. La mysoginie et le sexisme
2. Le chauvinisme
3. La méconnaissance des sports qu’ils sont sensés commenter
4. Le placement de certaines marques et sponsors dans les commentaires

Bref, d’un point de vue journalistique, des records de médiocrité ont été battus, mais on n’a pas eu droit à une seule allusion critique sur l’organisation des Jeux. Peut-être ces dociles « journalistes » n’avaient-ils même pas remarqué qu’à peine arrivés à Sotchi, leurs ordinateurs portables et leurs téléphones avaient été piratés par les services de renseignement russes (FSB).

Heureusement, certains médias engagés se sont posé des questions, comme par exemple : « Pourquoi Sotchi ? Choisir une station balnéaire désertée pour accueillir des JO d’hiver n’est pas plus stupide que choisir un émirat où règne des températures extrêmes (45°C) pour le mondial de foot. »

Reste que ces Jeux laissent un goût amer aux amoureux du sport dont nous faisons partie. Ils posent indirectement la question de la toute-puissance du business sur un grand nombre de disciplines sportives et de l’utilisation du sport à des fins politiques (ce qui n’est pas vraiment nouveau).

Que faire ?

Alors que faire ? Faut-il fuir le sport pour ne pas participer à son aliénation ? Non, ce ne serait pas fair-play, et puis si tous les dégoûtés s’en vont, on sait trop bien ce qui restera.

La solution, ce serait plutôt de reprendre le pouvoir sur le sport, ses structures, son fonctionnement, afin de décider démocratiquement des règles du jeu. Comment ? Voici quelques pistes :

· Les fédérations sportives devraient être gérées par des représentants élus par les sportifs, les supporters, et le public (dont les parents des jeunes notamment).
· Des financements publics doivent être prévus pour toutes les disciplines, afin de démocratiser l’accès au sport. Le football qui était traditionnellement le sport le plus accessible (et le plus populaire) est devenu de moins en moins abordable pour les familles qui veulent inscrire leur enfant dans un club.
· L’organisation des compétitions devrait être confiée à des comités élus par les sportifs et indépendants des sponsors et autres financeurs privés.
· Le pluralisme (hommes / femmes / handicapés…) devrait être introduit dans les épreuves relais ou dans les sports collectifs où cela est praticable. Ce serait une manière de faire vivre une véritable fraternité au travers du sport.

Bref, pour devenir plus sain, le sport a besoin d’une véritable révolution. Car ce qui devrait être avant tout un loisir populaire et un facteur de santé publique ne peut pas être laissé aux mains des marchands du temple. En sport comme dans la société, il est temps de marquer des buts contre le capitalisme.