David Wagner

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Journaliste, Rédacteur


Le grand public le connaît en tant que député de déi Lénk, mouvement dont il est l'un des fondateurs. Auteur d'articles, il a dans le passé géré Goosch vue son expérience de journaliste avant d'entrer dans la Chambre des Députés.


Die Artikel von: David Wagner

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David Wagner

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26-11-2013 Von

F T Y

Empiffrez-vous!

Laissons de côté les chiffres et autres statistiques et posons-nous les questions simples: à quoi bon cela sert-il d'être très riche?

 

 

 

C’est l’expression à la mode de la future coalition DP-LSAP-Verts: „Du poison pour notre économie“. Une expression que notre futur premier et ex-bourgmestre emploiera certainement plus d’une fois. Elle semble lui plaire. Mais de quoi parle-t-il au juste? De l’augmentation de l’impôt sur le capital, par exemple. Ou bien de la taxe sur les transactions financières, communément appelée Taxe Tobin. Du poison, du poison, du poison…
Il n’est pas trop difficile de comprendre l’économie libérale: impôts, pas bon. Pas d’impôts, c’est bon. Car voilà, les libéraux le savent et l’homme est ainsi fait: s’il n’a pas au-dessus de lui un bon patron, il ne saura rien faire de ses dix doigts. Et qui c’est qui donne du boulot? La patron, pardi!
Mais n’avez-vous pas remarqué que quelque chose cloche dans l’argumentaire des libéraux de toutes les sauces? Vous savez, ceux qui prétendent que les patrons, pardon, „les entrepreneurs“, auraient besoin de beaucoup d’argent pour avoir envie de se lever le matin? Ne nous comprenez pas mal: nous ne parlons pas d’argent qui serait réinvesti dans la production. Non, nous parlons de ces fameux „incentives“, comme disent grossièrement les amateurs de „business-globish„. Nous parlons money, argent, flouze, pépètes. Des grosses pépètes, hein. Pas les timbres annuels de la coopérative de Bonnevoie!

Etre nul ou être entrepreneur, il faut choisir!
Voilà comment marche le monde: pour commencer, il est divisé en deux. D’un côté, il y a nous. C’est-à-dire des gens qui ne savent pas prendre la moindre initiative. C’est à se demander d’ailleurs comment nous avons fait pour survivre jusqu’à présent. Si, d’accord, nous savons commander une baguette à la boulangerie. Nous savons aussi prendre un bus et connaissons ses horaires (enfin, notre ligne, faut pas charrier). Nous avons même réussi, pour la plupart d’entre nous, à décrocher au moins une fois dans notre misérable vie, un emploi. Et ensuite? Ensuite nous avons intérêt à nous réjouir de l’existence des „autres“.
Les „autres“ ne sont pas comme nous. Ce sont les „entrepreneurs“. Ils entreprennent des trucs. Beaucoup de trucs. Des tonnes de trucs. C’est simple, quand ils ne peuvent pas entreprendre, ils dépriment, ils se morfondent, ils dépérissent. Le pire, c’est que tout le monde, c’est-à-dire nous lamentables amibes, en plus d’être de fichues feignasses assistées, nous sommes méchants. Nous ne supportons pas qu’ils entreprennent des trucs. Comment? En leur interdisant de faire des millions. Et ça, ça les déprime nos surhommes et surfemmes d’entrepreneurs.
Mais il y a une chose qui cloche: si nous les comprenons bien (nous lisons souvent le Paperjam), ces hommes et ces femmes ne connaissent qu’un seul carburant qui fasse fonctionner leur moteur: l’argent. C’est assez surprenant. Nous pensions naïvement que ces entrepreneurs avaient surtout envie d’innover, de faire des choses intéressantes, d’avoir la satisfaction de faire avancer la société. Oui, mais à condition de bien se remplir les poches.
Une question nous taraude. Imaginons qu’un revenu mensuel ne dépasse pas les 10.000 euros. 10.000 euros net, soyons généreux. A l’heure actuelle, un tel salaire serait tout à fait acceptable, non? Vous pourriez vivre avec cette idée? Il vous permettrait de devenir propriétaire de votre logement, votre voiture serait financée sans prêt, vous pourriez épargner sans pour autant vous priver d’un certain nombre de plaisirs de la vie. Même vos enfants, si vous en avez, ne devraient pas trop se faire de soucis. Comme des oeufs en gelée!

Imaginons ensuite que vous ayez une passion: la mécanique, la gastronomie, l’infographie… Avec un tel salaire bien assuré qui vous aura libéré des soucis matériels (le reste, c’est à vous de voir, mais vous pouvez encore vous payer un psy), qu’est-ce qui pourrait se mettre en travers de votre souhait d’entreprendre quelque chose en rapport avec votre passion? La banque me direz-vous. Certes, c’est la faille. Elle ne prête plus qu’aux riches (mais c’est un autre problème sur lequel Goosch reviendra). Mais admettons que vous arriviez encore à financer votre projet, ce qui n’est pas encore impossible. Laisseriez-vous tomber si les 100.000 euros net minimums (on a ajouté un zéro là!) ne tombent pas mensuellement? Allez-vous vous détourner de l’entreprise de votre passion car vous ne pourrez plus vous adonner à la construction d’architectures financières complexes qui vous permettront d’engranger des millions? Serez-vous démotivés?
Non? Oui? La réponse à ce psychotest primaire vous aidera à vous situer. A savoir si vous aimez entreprendre ou tout simplement profiter.
Loin de nous l’idée de vouloir moraliser. Ce n’est pas notre intention. Mais nous voulons savoir, en bon béotien que nous sommes, à quoi bon peuvent servir ces montagnes d’argent à votre disposition? Acheter non pas une, mais plusieurs maisons? Un jet privé? Une ribambelle de domestiques? Des tableaux de collection que vous ne regarderez jamais? Des jeunes femmes? Des jeunes hommes?

„La réponse à ce psychotest primaire vous aidera à vous situer. A savoir si vous aimez entreprendre ou tout simplement profiter.“

La question du capitalisme est aussi une question concrète, triviale. D’un côté une minorité qui ne sait plus quoi faire de tant de richesses, de l’autre une majorité en manque. Allons plus loin: savez-vous ce que sont les „snuff movies“? Si vous ne le savez pas, c’est que vous êtes soit sains d’esprit, soit mal informés (l’auteur est bien informé, rassurez-vous). Ces „films“ réalisés clandestinement sont vendus à prix d’or. Pourquoi? Tout simplement car ils documentent le meurtre réel, souvent précédé de tortures ou de viols réels sur une personne toute aussi réelle. A ce qu’il paraît, ces films font un carton, notamment auprès de richissimes émirs du Golfe. La richesse ne conduit évidemment pas systématiquement, et c’est encore heureux, à de telles perversions. Mais l’existence de ces films indiquent que l’assouvissement complet de toute forme de désir ou de fantasme conduit à l’ennui et à la recherche de sensations fortes qui vont crescendo.
En 1989 était sorti le film trash-gore „Society“ de Brian Yuzna (qu’il ne faut regarder qu’une fois votre digestion terminée) qui combinait les pires dépravations sur fond de lutte de classes: il y décrivait une secte de milliardaires de Beverly Hills, pratiquant des orgies littéralement monstrueuses lors desquelles ses membres, tous issus de l’oligarchie locale, dévoraient un pauvre type ou une pauvre fille. L’un d’entre eux lance d’ailleurs à un jeune ouvrier, le héros du film, lorsque ce dernier veut comprendre le pourquoi de ces rites horribles: „Tu n’as donc rien compris? Cela fait des siècles qu’on vous bouffe!“

Un peu de décence, voyons!
Le philosophe Jean-Claude Michéa explique que les „gens simples“ font preuve, généralement, d’un sens de la décence plus développé que le haut du gratin. Non pas parce que les „gens simples“ seraient par nature meilleurs que les très riches, mais tout simplement parce que la vie matériellement limitée vous pousse vers des valeurs de décence: savoir-vivre entre personnes car il faut pouvoir s’entre-aider au cas où, faculté d’apprécier des plaisirs plus abordables, tenter de respecter la parole donnée car rien ne vous est offert. C’est la „common decency“ dont parlait George Orwell.
Faut-il lire de la philosophie pour se rendre compte de ces évidences? Des évidences que l’humanité a comprises depuis l’aube de la civilisation et sur lesquelles se sont fondées les plus grands courants religieux. Bouddhisme, christianisme ou islam: à leur manière, ils mettaient à l’ordre du jour la question du surplus d’argent, donc de pouvoir, comme élément de déliquescence de l’homme ou de la femme et, finalement, de la civilisation. Et même si l’oligarchie médiatique et économique feint de l’ignorer, ces évidences continuent à être comprises par tout le monde. Il suffit d’avoir un minimum de décence commune.

David Wagner

Politik

04-11-2013 Von

F T Y

Le réveil sera brutal

Aux yeux de certains, la coalition DP-LSAP-Gréng promet un renouveau politique. C'est possible, mais il ne s'agit pas forcément du changement escompté.

Non pas que nous ne nous réjouissions pas d’une très probable relégation du CSV sur les bancs de l’opposition. L’attitude ces derniers jours de ce parti face à ce qu’il considère être un ostracisme ne peut que nous conforter dans l’idée qu’il était temps de sevrer les chrétiens-sociaux trop habitués à de fortes doses de pouvoir. Leur attitude n’est d’ailleurs pas étonnante. Imaginez un instant que le Parti communiste chinois soit évincé du pouvoir à Pékin. Que de carrières interrompues prématurément ! Bien plus (ou bien moins) qu’un parti politique, le CSV est avant tout une machine à pouvoir dont le socle repose sur sa capacité à distribuer privilèges et prébendes. La nouvelle configuration pourrait l’affaiblir de manière plus fondamentale, d’autant plus si les ambitions des uns et des autres le plongent dans une longue guerre civile.

Le principal atout du nouveau gouvernement est donc d’avoir chassé le CSV du pouvoir. Et ensuite ? Il faudra bien qu’il gouverne. A déi Lénk, nous l’avons souvent répété : il s’agit de changer de politique et non pas les têtes ou les partis. Cette coalition pourrait-elle faire avancer certaines choses sur le terrain du sociétal ? Peut-être. Mais il ne faudrait pas oublier que le CSV n’est plus le parti ultra-clérical d’antan. Le gouvernement sortant n’était-il pas, par exemple, sur le point de légiférer sur le mariage homosexuel, voire l’homoparentalité ? Quelle sera donc la véritable plus-value de ce gouvernement ?

Le DP marque son territoire

Les problèmes vont débuter sur les questions plus « matérielles ». Car le vrai « Kulturkampf » ne se joue plus tellement sur les questions sociétales, qui ont conquis peu à peu la majorité de la population. Au 21ème siècle, en pleine crise du capitalisme, c’est la lutte capital-travail qui dessine la ligne Maginot droite-gauche. C’est sur ce terrain que les différences politiques s’établissent fondamentalement. D’ailleurs, avant même que les négociations aient été véritablement entamées, le DP n’hésite pas à marquer son territoire : tandis que Lydie Polfer explique que son parti exclue toute forme d’impôt sur la fortune, Claude Meisch réaffirme son attachement au « salaire minimum » pour jeunes. Plus (ou moins ?) symboliquement, le directeur d’Ernst & Young, Alain Kinsch, a été inclus dans la délégation de négociation. La place financière prend-elle définitivement le pouvoir ? Jean-Claude Juncker ne lui aurait-il pas cédé suffisamment, pour qu’elle le renvoie en lui substituant un gouvernement badigeonné de libéralisme sociétal pour mieux masquer ses canines prédatrices ?

Pendant ce temps, les problèmes sociaux prennent une ampleur qui s’aggrave sûrement et de moins en moins lentement : logement, pauvreté, conditions de travail. Lorsque l’on connaît la réalité du travail dans de nombreuses grandes enseignes (notamment du commerce), l’on se demande si abolir le droit du travail ne changerait plus grand-chose tant il est si peu respecté. Le nouveau gouvernement compte-t-il y remédier ou va-t-il continuer à ânonner ses litanies sur la « compétitivité » ? Après l’euphorie « gambienne » (qui se circonscrit toutefois à certains milieux libéraux « de gauche »), le réveil sera brutal.