1

Militer en ces temps étranges

La crise sanitaire et là. Malgré le confinement, il faut continuer à réfléchir et à analyser, aussi bien pour maintenant que pour l’après-crise.

Si un grand nombre de citoyennes et de citoyens continuent à donner de leur temps, de leur énergie, voire de leur santé dans les activités indispensables pendant cette crise, d’autres se retrouvent malgré elles et eux confiné-e-s dans leur logement. Le temps peut paraître long, surtout s’ils ne peuvent recourir au télétravail.

L’auteur britannique de science-fiction China Miéville (militant marxiste lorsqu’il n’écrit pas), a publié en 2005 une de ses œuvres majeures intitulé « The City and the city » (qui a également inspiré une série disponible sur internet), un thriller dystopique se déroulant dans deux villes voisines et parfois entremêlées, Beszel et Ul-Qoma. Ces deux cités-Etats étant en guerre froide permanente, leurs citoyens respectifs sont tenus d’ignorer réciproquement par tous les moyens l’existence des voisins, notamment en « évisant » (« to unsee ») tout bâtiment ou tout citoyen de l’autre ville. A force d’habitude, ce qui paraît difficile devient banal. C’est une question de réflexe. Évidemment, la crise sanitaire ne nous oblige pas à nous ignorer mutuellement, mais elle nous impose un évitement probablement inédit.

 

Comment militer dans ces conditions ? Car il faut bien continuer à agir politiquement, la vie ne s’est pas arrêtée et elle retrouvera bientôt une certaine normalité.

 

La réactivation de notre journal en ligne Goosch.lu est une des nombreuses réponses à cette question. Goosch permettra à celles et ceux qui le désirent de rédiger des articles, de préférence pour l’instant en relation avec le contexte actuel, et de briser ainsi l’isolement politique.

Il s’agit d’échanger des réflexions, des analyses, des faits liés à la situation de crise particulière au Luxembourg. Et aussi, ce qui est très important, de préparer l’après-confinement, qui nous placera devant des défis que notre mouvance politique n’a pas connu depuis des décennies.

Personne à l’heure actuelle ne peut prévoir ni l’évolution du virus, ni ses conséquences économiques et donc sociales et politiques. Mais il est certain que les choses ne se régleront pas d’elles-mêmes et il ne faut pas se bercer dans l’illusion d’un retour à un État providence automatique que les dirigeants reconstruiraient après avoir « compris » les leçons du passé.

Mieux vaut donc échanger durant les prochaines semaines. Goosch.lu est une plateforme qui le permettra, c’est une contribution à la préparation d’un avenir proche.

Et pour terminer, n’oublions pas ce slogan que l’on peut trouver actuellement en Italie :

« Nous ne reviendrons pas à la normalité, car la normalité, c’était le problème »

 

David Wagner

25/03/2020




Les indispensables dévoilés

Cette crise sanitaire a au moins un mérite : celui de remettre sur le devant de la scène la question de l’utilité sociale et de la remise en cause de la logique marchande et – Luxembourg oblige – de son pendant financier.

L’avantage dans les crises – si l’on peut parler d’avantages dans le contexte actuel – c’est qu’elles jettent une lumière crue sur la réalité. On parle d’apocalypse, de manière évidemment abusive, dans le sens de « fin du monde ». Mais en effet, nous assistons à une apocalypse dans le sens originel du terme : il s’agit du « dévoilement ».

Dévoilement de la nature de l’Union européenne, dont la seule décision sensée de ces derniers jours a été de mettre entre parenthèses la rigueur budgétaire, donc de revenir sur un de ses piliers fondamentaux.

Dévoilement au niveau des relations internationales : tandis que l’allié états-unien tente de s’arroger le monopole de la recherche scientifique et de possibles traitements, ce sont les « pestiférés » tels que Cuba qui prêtent main forte aux pays d’Europe occidentale. Il s’agit évidemment de ne pas être naïf : l’aide de la Chine est elle aussi intéressée. Mais le propos de cet article n’est pas de s’attarder sur les considérations géopolitiques.

Dévoilement des modèles économiques : que des pays économiquement libéraux tels que le Royaume-Uni ou les Pays-Bas – modèles encensés il y a peu – choisissent « l’immunité de groupe », en dit long sur la faiblesse structurelle de leur système de soins.

 

Dévoilement aussi au Luxembourg.

 

Allons droit au but : c’est dans ce moment de crise que l’on se rend compte des métiers indispensables à la survie d’une société. Les travailleurs et travailleuses des soins et santé, évidemment. Les agents de nettoyage, les travailleurs du commerce, aussi.

Petite parenthèse : n’oublions pas non plus l’importance des fonctionnaires de l’État ou des communes. Bien que moins précaires économiquement, ils sont systématiquement confrontés, pêle-mêle, aux accusations de paresse, d’inefficacité, et, parfois même, d’inutilité. Ils prouvent actuellement que le contraire est vrai.

En revanche, d’autre activités tenaient jusqu’à présent le haut du pavé au Luxembourg : les « winners », les représentants de la « modernité » que seraient les optimisateurs fiscaux, la branche des fin-tech, bref ce qu’on ne cesse de nous vendre comme étant les représentants de ce nouveaux monde « dépoussiéré » de vieilleries comme les droits sociaux et les avancées du droit du travail.

Mais les faits sont têtus, comme le disait Lénine : qui du fiscaliste ou de l’infirmière a le plus besoin l’un de l’autre ? Qui de la caissière ou de l’avocat d’affaires a le plus besoin l’un de l’autre ? Qui applaudit-on aux balcons et aux fenêtres à 20 heures ?

La perversité de notre système économique est évidente : tandis que l’optimisateur fiscal gagne son argent en conseillant au mieux à la société de nettoyage comment éviter l’impôt, c’est la travailleuse de cette même société, sous-payée évidemment, qui se chargera de la propreté de son lieu de travail. Indirectement, mais de manière très réelle, l’optimisateur fiscal aura, quant à lui, contribué à la précarité de la travailleuse du nettoyage.

 

Pas logés à la même enseigne

 

Et alors que les gouvernements luxembourgeois successifs n’ont eu de cesse de chouchouter ces acteurs de l’évitement fiscal des très riches, ils n’ont pas eu la moindre considération envers les plus pauvres et néanmoins les plus utiles socialement.

Je pourrais ici énumérer longuement la ribambelle de projets de loi liés à la place financière auxquels nous avons dû prendre position au parlement – souvent dans l’indifférence générale – et qui faisaient la part belle aux intérêts de l’oligarchie financière.

Je pourrais également énumérer le nombre de fois où déi Lénk, aussi bien au sein de la Chambre qu’en-dehors, a pris position quant au traitement scandaleux des travailleuses du nettoyage (puisqu’il s’agit principalement de femmes), qu’il s’agisse du refus de leur octroyer le salaire minimum qualifié après dix années de service (et c’est encore bien en deçà de ce qu’elles méritent) ou du non-respect de leurs droits.

Et que dire de la lutte des salarié-e-s du Cactus, encore toute récente ? Grâce à une exceptionnelle mobilisation syndicale emmenée par l’OGBL, cette mobilisation a réussi à rencontrer la sympathie de nombreux citoyens. Mais ce succès n’est pas tombé du ciel : sans le « haut patronage d’eux-mêmes », il n’aurait pas été possible.

Et pourtant, les salarié-e-s des grandes surfaces, Cactus inclus, continuent à faire leur devoir malgré des salaires et des conditions de travail qui se situent à des années lumières de leur utilité sociale.

« Sous le haut patronage de nous-mêmes »

C’est également sous le patronage d’eux-mêmes que les personnels des soins et de santé ont dû batailler ferme dans les divers secteurs et sur plusieurs années afin d’accéder à la reconnaissance de leurs droits.

Hormis les fonctionnaires, on constate que celles et ceux qui fournissent une grande partie des métiers indispensables partagent plusieurs points communs : elles sont majoritairement des femmes, ils et elles sont sous-payé-e-s, ils et elles sont très souvent frontaliers.

A tout malheur, quelque chose est bon : la propagande des nationalistes de la langue s’est éteinte ou presque. Rappelons tout de même leur revendication principale : l’obligation, pour les salarié-e-s frontaliers et frontalières (et, pour être clair, les francophones) de maîtriser le luxembourgeois sur leur poste de travail. Hormis le fait que beaucoup d’entre elles et d’entre eux comprennent – par la force des choses – les rudiments de la langue luxembourgeoise, imaginons un instant dans quelle situation catastrophique nous nous trouverions actuellement si cette revendication avait été réalisée.

Nous nous rendons compte que, contrairement à ce que prétendent les nationalistes de la langue, les frontaliers francophones ne constituent pas une menace pour l’existence du pays, mais, qu’au contraire, ils font partie de la solution.

 

David Wagner

25/03/2020




Abgeordnete von déi Lénk im TTIP-Leseraum

Die kritischen Töne, die zuletzt von mehreren europäischen Spitzenpolitikern gegenüber den TTIP-Verhandlungen mit den USA geäußert wurden, mag man als Versuch werten, den Druck auf die amerikanischen Unterhändler zu erhöhen. Schlussendlich geht es aber vor allem darum, das Abkommen CETA mit Kanada zu retten.

Bei Verhandlungen über Freihandelsabkommen wird von den Verantwortlichen traditionell ein auffälliges Maß an Zweckoptimismus verbreitet. Liest man die knappen Berichte über die letzten TTIP-Gesprächsrunden, die auf der Internetseite der EU-Kommission frei zugänglich sind, erhält man den Eindruck, es gehe nur mehr um Detailfragen.

Ein ganz anderes Bild drängt sich jedoch auf, wenn man einen Blick in die klassifizierten, nicht für die Öffentlichkeit bestimmten Dokumente wirft, die im sogenannten Leseraum im luxemburgischen Außenministerium ausliegen. Dort kann man als Abgeordneter unter äußerst widrigen Arbeitsbedingungen nachlesen, dass die Sorgen der TTIP-Kritiker äußerst berechtigt sind, aber auch dass die Verhandlungen mittlerweile auf breiter Linie feststecken.

Zwar hat man sich über die Struktur des Abkommens geeinigt und die Zahl der Kapitel festgelegt, in fast allen Bereichen gibt es jedoch substantielle Meinungsverschiedenheiten zwischen der EU und den USA. Besonders starr ist die Front bei dem öffentlichen Beschaffungswesen, dem Investmentschutz, den nicht-tarifären Hemmnissen, dem Schutz geistigen Eigentums und den technischen Handelsbarrieren. Nur im Bereich der regulatorischen Zusammenarbeit gibt es ein vorläufiges Ergebnis, weil die Europäer ihre Ambitionen in diesem Bereich stark herab gesetzt hat.

Die neoliberalen Dogmatiker sitzen in Brüssel

In den Festtagsreden stellen sich US-Politiker gerne als ultimative Verfechter des freien Marktes dar, in der Realität gehen sie jedoch weitaus pragmatischer vor. Umgekehrt beschwören EU-Politiker gerne die „europäischen Werte“ oder das „europäische Sozialmodell“, in der Realität verteidigen sie jedoch vorrangig die Interessen der Multis und der Großindustrie. Wer also meint, der Karren stecke fest, weil die EU-Kommission tapfer die schwindenden Errungenschaften der „sozialen Marktwirtschaft“ gegen den „amerikanischen Turbokapitalismus“ verteidigt, der irrt gewaltig. Ganz im Gegenteil, die Verhandlungen stocken in vielen Sektoren, weil die US-Amerikaner die blinde Liberalisierungs- und Deregulierungswut der EU-Kommission nicht mittragen wollen.

Beispielsweise beim öffentlichen Beschaffungswesen: Wenn eine Administration einen öffentlichen Auftrag ausschreibt, soll sie laut TTIP-Abkommen gezwungen werden, Angebote von Firmen der anderen Seite gleichberechtigt zu behandeln. US-Unternehmen können sich dann bei Aufträgen von europäischen Behörden bewerben und europäische Unternehmen bei Aufträgen von US-Behörden. Die EU will in diesem Kapitel eine sogenannte Standstill-Klausel einfügen, die den Vertragsparteien bis in alle Ewigkeit untersagt, die Kriterien bei öffentlichen Aufträgen restriktiver oder strenger zu gestalten. Die US-Seite will darauf jedoch nicht eingehen. Sie will sich auch in Zukunft die Möglichkeit offen lassen, bei Bedarf gesetzgeberisch einzugreifen.

So blickt man sehr schnell durch, worum es eigentlich geht: Sowohl die USA als auch die EU versuchen die Interessen ihrer jeweiligen Multis oder der gewichtigen Wirtschaftszweige durchzusetzen. Beispiel: Während die USA versuchen, neue Absatzmärkte für ihre in hochintensiver Landwirtschaft geschaffenen Produkte zu erringen, wollen die Europäer die US-amerikanischen Regeln beim öffentlichen Beschaffungswesen (“marchés publics“) durchbrechen. Weder die EU- noch die US-Bürger werden etwas davon haben.

Abschluss unter Obama unmöglich

Der Stand der Verhandlungen, so wie er aus den klassifizierten Dokumenten hervorgeht, lässt einen Abschluss unter der Obama-Administration als äußerst unwahrscheinlich erscheinen. Und die potentiellen Nachfolger Clinton oder Trump stehen dem uneingeschränkten Freihandel weitaus kritischer gegenüber. Es ist also kaum verwunderlich, dass europäische Spitzenpolitiker mittlerweile kritische Töne gegen TTIP anschlagen: Da man das Abkommen in absehbarer Zeit nicht gegen die öffentliche Meinung durchzupeitschen braucht, kann man zwischenzeitlich Verständnis für die Bedenken der Bürgerinnen und Bürger heucheln.

Gleichzeitig ist es auch ein Versuch, das bereits ausgehandelte Abkommen CETA mit Kanada zu retten. Dieses Abkommen, das genau jenes Maß an radikaler Liberalisierung und Deregulierung enthält, das man sich in Brüssel auch für TTIP wünscht, wird von weiten Teilen der europäischen Bevölkerung gleichermaßen abgelehnt. Indem man die TTIP-Verhandlungen öffentlich kritisiert und CETA weiterhin die Treue hält, will man die Botschaft übermitteln, dass beide Verträge völlig unterschiedlich seien: CETA sei ein „gutes“ Abkommen, das jetzt zügig umgesetzt werden muss, während TTIP zu Recht kritisiert werden darf.

Auf diese plumpe Rhetorik, die auch luxemburgische Politiker gerne verbreiten, wird die europäische Zivilgesellschaft jedoch kaum hereinfallen. Beide Abkommen zielen auf das gleiche Ergebnis ab, nämlich die ultraliberale Weltordnung unwiderruflich in Stein zu meißeln. Dementsprechend gilt es jetzt, den Widerstand vor allem auf CETA zu konzentrieren.

Marc Baum & David Wagner




Tout ce que vous avez voulu savoir sur les réformes grecques et que personne n’ose vous dire !

Vous entendez tous les jours que la Grèce « doit faire davantage d’efforts ». La presse mainstream relaye en principe les déclarations des politiciens européens, une ou deux phrases. Parfois, une ou deux mesures, avérées ou issues d’une rumeur, transparaissent. Mais très rarement, on vous parlera des réelles propositions que le gouvernement grec soumet à l’Eurogroupe.

Ce n’est pas étonnant : ni Merkel, ni Juncker, ni Hollande ou encore, chez nous, Bettel, n’ont intérêt à ce que la population connaisse les propositions du gouvernement grec. Car elles auraient à partir de ce moment les plus grandes difficultés à expliquer pourquoi elles les rejettent.

Ce que l’on vous cache !

déi Lénk va vous dévoiler ce qu’on vous cache – ce que tous les gouvernements européens, y compris le nôtre, ne vous disent pas.
Dans un esprit de transparence, nous publions donc ici les 26 pages de propositions de réformes que le gouvernement grec a soumis à l’Eurogroupe qui se réunira le 24 avril pour en délibérer.

Le texte est en anglais, il regorge de termes techniques, voilà pourquoi nous nous permettons d’en résumer/rapporter les grandes lignes. Vous comprendrez très vite pourquoi l’Eurogroupe est si hostile au gouvernement grec : pour la première fois depuis des décennies, un gouvernement européen fait des réformes en faveur du peuple, des salariés, des retraités et des chômeurs et donc, forcément, en défaveur du grand capital. C’est exactement le contraire de la politique préconisée par l’Eurogroupe et qui a conduit la Grèce dans la situation actuelle de catastrophe humanitaire.

Comme vous le verrez, telle est la logique du fil rouge du gouvernement grecs : protection et extension des droits des salariés tout en mettant à contribution les grandes fortunes.

Quelles réformes ?

La fiscalité est le gros chantier de la politique du gouvernement Tsipras : sous le règne de la Troïka, le système fiscal exonérait le capital, favorisait l’évasion fiscale et faisait payer les travailleurs. Le gouvernement grec propose, entre autres, les mesures suivantes :

–    Instauration d’un registre des richesses, d’un cadastre de la propriété foncière et augmentation de la taxe de luxe
–    Criminaliser l’évasion fiscale
–    Renforcement des contrôles des transferts bancaires vers les places offshores et des transferts à l’intérieur des entreprises multinationales
–    Augmenter la lutte contre les trafics (alcool, tabac, essence)
–    Lutte contre la fraude à la TVA

Le secteur bancaire doit aussi être réformé :

–    Le rôle de la Banque de Grèce doit être réformé avec des mesures de protection contre les produits et services douteux
–    Institution d’une Banque Nationale de Développement
–    Le réseau des banques coopératives et régionales doit être réformé et élargi
–    Des mesures législatives doivent inclure plus étroitement le secteur bancaire dans la lutte contre l’évasion fiscale

Les mesures principales concernant le marché du travail :

–    L’économie grecque est fortement dominée par les PME (Petites et Moyennes Entreprises) ce qui ne facilitent pas le contrôle des droits des salarié-e-s.  Afin de les garantir plus efficacement, le gouvernement propose de réformer l’Inspection du Travail défaillante
–    Elévation graduelle du salaire minimum
–    Réforme de la législation sur les conventions collectives en assurant une amélioration des droits des salariés

Le système de sécurité sociale a lourdement été frappé par les mesures de la Troïka. Le gouvernement veut y remédier, notamment par les mesures suivantes :

–    De nombreuses et nombreux Grecques et Grecs ont été exlu-e-s de la couverture sociale par les mesures précédentes de la Troïka. Ils/elles y seront réintégré-e-s.
–    Les réductions au niveau du paiement des retraites seront suspendues
–    Les retraité-e-s à faible revenu percevront à nouveau un 13ème mois
–    Refonte globale du système de santé et examen de la pratique des retraitées prématurées dans certains secteurs (banques)

Le gouvernement s’est engagé à réformer l’administration publique sans licencier des fonctionnaires mais en les plaçant là où ils seront le plus efficace et le plus utile.

Pour ce qui est de l’épineuse question des privatisations : le gouvernement constate que la politique de privatisation menée jusqu’à présent s’est soldée par un cuisant échec. Les privatisations déjà décidées seraient menées dans une optique participative visant à augmenter à long terme les bénéfices de l’Etat et de protéger les conditions de travail des salariés. Elles s’inscriront également dans un large plan de développement. La propriété de l’Etat devrait être gérée selon une stratégie définie.

Finalement, des mesures directes pour pallier à la catastrophe humanitaire seront entreprises : introduction d’un programme de nutrition, reconnexion à l’électricité ou au gaz, mesures préventives contre la pauvreté énergétique.

Ces réformes ne sont-elles pas chiffrées et datées ?

Rien qu’en jetant un regard sur le document annexé vous constaterez que toutes ces mesures sont chiffrées et qu’il y a des références très précises à des lois en préparation et leur date d’introduction projetée. Plusieurs de ces mesures sont préparées ensemble avec l’OECD et beaucoup se réfèrent à des législations européennes et internationales. Le gouvernement grec offre dès l’introduction de ce texte de partager l’intégralité des informations avec ses partenaires. Tout ce qu’on vous dit dans une certaine presse et par la bouche de certains politiciens est donc archifaux et est de l’intox! D’ailleurs il paraîtrait que beaucoup de ces mesures ont déjà été acceptées.

Les réformes proposées vont-elles à l’encontre du droit européen ?

Aucune de ces mesures ne heurte le droit européen qui ne prescrit ni privatisations ni n’exige qu’on doit prendre auprès des pauvres à la place des riches, même si la politique dominée par la droite et la « gauche » néolibérale va dans cette direction dans tous les autres pays européens, comme cela s’exprime dans les recommandations de politique macro-économique et dans les prescriptions des « programmes » en direction des pays endettés.

Ces programmes eux-mêmes sont souvent à la limite de la légalité, comme l’a constaté même le Parlement européen. D’ailleurs l’accord de la Grèce avec l’Eurogroup en date du 20 février, sur lequel se base la présente liste, prévoit expressément des changements au « programme » engagé.

Bien-sûr ceci ne veut pas dire que tout l’édifice des traités européens ne doit pas être revu de fond en comble.

La dette grecque doit-elle être intégralement remboursée ?

Non ! Une bonne partie de la dette grecque est carrément illégitime et odieuse. D’ailleurs une commission pour un audit de la dette publique a été instaurée par le Parlement grec.

Puisque l’UE a accepté de reprendre cette créance à l’origine privée de ses banques comme créance publique européenne, elle est au moins co-responsable. Aucun peuple n’acceptera à l’infini d’être placé dans une « prison pour dette » digne du Moyen Âge, comme l’a été le peuple grec. C’est pourquoi le nouveau gouvernement grec avait proposé un allègement de la dette de moitié et une politique économique visant à remettre l’économie sur ses rails et à permettre le remboursement futur de la dette restante pour sortir du marasme dans lequel la politique d’austérité l’avait mené, avec la complicité de nos gouvernement : au moins le ministre des affaires étrangères Jean Asselborn avait la décence de se déclarer coresponsable de cette politique à la télé allemande (chez Anne Will).




Après le ménage, la lutte

C’est un conflit qui dure depuis avril 2013, date à laquelle la convention collective dans le secteur du nettoyage a été résiliée. Depuis, aucun accord n’a été conclu. Ce secteur, qui compte plus de 8.000 salarié-e-s, dont bien 90 % sont des femmes, est depuis lors en lutte.

Les enjeux sont multiples : les salaires tout d’abord, qui ne sont payés que 30 centimes de plus que le salaire social minimum (SSM), c’est-à-dire 11,44. Mais ce n’est pas tout : selon un jugement, les entreprises sont obligées de rémunérer à hauteur du salaire social minimum qualifiée les salarié-e-s qui peuvent afficher 10 années d’expérience professionnelle dans une branche même s’il-elles ne disposent pas d’un diplôme.

Un jugement que le patronat refuse d’accepter, raison pour laquelle l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL) a fait insérer dans son accord avec le gouvernement un passage qui remet en cause la législation concernant le SSM qualifié.

Prime au non-respect de la loi

Mais ce n’est pas tout : le patronat exige davantage de « flexibilité ». Or, comme vous le verrez dans ce témoignage, la flexibilité du personnel d’entretien est actuellement déjà à son comble. Pas étonnant non plus que l’accord cité plus haut prévoit également une refonte du Plan d’organisation du travail (POT)…

Sans parler des congés : 25 jours par an (le minimum légal). Au bout de 15 ans, c’est une demi-journée de plus et une de plus au bout de 25 ans. Ce que le patronat juge… excessif… Et encore faut-il tenir le coup aussi longtemps dans un secteur aussi épuisant physiquement.

La lutte des femmes de ménage n’est pas des plus faciles : sur le terrain, il n’est pas évident d’organiser un personnel dont les horaires de travail varient fortement et qui dont les « chantiers » sont dispersés sur tout le territoire du pays.

Au niveau électoral, ils, ou plutôt elles, ne disposent que d’un poids politique quasi inexistant : la majorité d’entre elles, lorsqu’elles ne sont pas frontalières, sont résidentes mais pour la plupart non-Luxembourgeoises, donc sans droit de vote.

Est-ce une raison pour laquelle le gouvernement est aux abonnés absents ? Est-ce une raison pour laquelle on entend si peu parler de ce combat qui dure depuis bientôt deux ans alors qu’il concerne presque 9.000 personnes ?

Le Luxembourg un  paradis? A condition d’être en haut

Le patronat, dont les entreprises et les domiciles se transformeraient vite en taudis s’il ne pouvait plus compter sur le travail des femmes de ménage, se montre intransigeant, jouant sur le pourrissement.

Dans la vidéo qui suit, Goosch s’est entretenu avec Estelle Winter, secrétaire centrale de l’OGBL en charge des services du nettoyage et elle-même ancienne femme de ménage. Elle nous explique la dure réalité du terrain, les conditions de travail du personnel d’entretien et les enjeux de ce bras-de-fer. « On ne se laissera pas faire », prévient-elle, déterminée. Raison de plus pour tous les citoyen-ne-s de leur apporter leur soutien.




Devenons des taches d’huile d’olive

Ce dimanche 25 janvier, la Grèce va voter pour l’ensemble de l’Europe. Une bonne quarantaine d’années après le tournant néolibéral du capitalisme occidental, et sept ans depuis le déclenchement de sa crise, une première nation européenne s’apprête à tirer le frein d’urgence. Cette action qui se produira dans le wagon grec fera trembler le train européen qui se dirige à toute vitesse vers le précipice.

Si les néolibéraux ont perdu leur hégémonie idéologique depuis quelques années déjà, ils ont jusqu’à présent pu maintenir leurs politiques faute d’alternative concrète. A l’instar d’un certain nombre de pays d’Amérique latine qui se sont engagés dans une voie non-capitaliste depuis une quinzaine d’années, le Vieux continent pourrait leur emboîter le pas – à sa manière.

La majorité absolue, la condition de départ la plus favorable

Mais rien n’est encore joué. Certes, il semble acquis que Syriza remportera les élections et formera le prochain gouvernement grec. Encore n’est-il pas clair si la coalition de la gauche radicale disposera d’une majorité absolue à la Vouli, le parlement grec, pour pouvoir gouverner avec les coudées franches. Syriza elle-même n’est pas un parti homogène, mais une coalition composée d’une myriade de tendances internes plus ou moins influentes.

Cette coalition comprend aussi bien Synaspismos, la force dominante de Syriza et qui est issue des courants eurocommunistes des années 70. On y retrouve l’Organisation communiste de Grèce (KOA), issue du maoïsme et dont l’anti-impérialisme est la matrice fondamentale. A « l’opposé », pourrait-on dire, il y a également la Gauche rénovatrice communiste et écologique (AKOA), l’ancien « Parti communiste de l’intérieur », c’est-à-dire non-soviétique en opposition au parti communiste « de l’extérieur » (KKE), intitulé ainsi en référence à son suivisme moscovite. La liste est longue, elle comporte une bonne douzaine d’organisations.

Cela signifie qu’avant de pouvoir négocier une politique avec un éventuel partenaire de coalition, Syriza doit négocier avec « elle-même ». On peut déjà noter que cette hétérogénéité donne du fil à retordre à bon nombre de journalistes et commentateurs politiques peu aguerris aux subtilités de la gauche, et qui, peu habitués à devoir prendre au sérieux des organisations de la gauche radicale, se trouvent devant la lourde tâche de déchiffrer ce qu’ils ne peuvent plus, par la force des choses, ignorer.

La bataille de l’information

C’est d’ailleurs un aspect auquel les militant-e-s en Europe devront faire face : la désinformation, qu’elle soit consciente car véhiculée par des groupes de presse appartenant au grand capital, ou inconsciente car relayée sur base d’imprécisions ou d’incompréhensions souvent le fruit de condition de travail précaires des journalistes.

Il y a quelques jours encore, un « spécialiste » de la Grèce expliquait à Nicolas Demorand sur France Inter (tout de même) que « certaines voix » au sein de Syriza seraient opposées à la sortie de la Grèce de l’euro. Le spécialiste ignorait probablement qu’il s’agit de l’exact contraire, la majorité désirant rester dans l’euro tandis que « certaines voix » demandent le contraire. Le travail de réinformation ne sera donc pas facile.

Le problème de Syriza n’est plus de remporter les élections. Le problème sera de remporter, une fois au gouvernement, le bras-de-fer avec la grande bourgeoisie grecque ainsi qu’avec  les marchés financiers internationaux et leurs relais politiques que sont la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international. Sans oublier que l’ensemble des 27 autres gouvernements ne facilitera pas les négociations autour du remboursement de la dette.

L’étreinte qui étouffe

Pour cela, ils mettent déjà en place plusieurs stratégies. Celle de l’intimidation tout d’abord à l’instar du président de la Commission Jean-Claude Juncker ou du ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble ou encore du président de l’Eurogroupe, le très libéral hollandais Jeroen Dijsselbloem, qui menacent ouvertement les Grecs de leur couper les aides européennes (qui d’ailleurs n’en sont pas), voire d’agiter le spectre du « Grexit ».

Mais il y a aussi la méthode subtile, celle de l’étreinte. Certaines voix, même à droite, à l’instar de l’eurodéputé luxembourgeois Frank Engel (CSV) – qui passe beaucoup de temps en Grèce et parle couramment la langue – qui qualifie Syriza « d’organisation sérieuse » avec laquelle il sera possible de s’accorder.

L’establishment européen et les marchés financiers ne craignant pas tant une victoire électorale de Syriza qu’une application par cette dernière d’une politique de rupture réelle avec la doctrine de l’austérité libérale. Pas seulement parce qu’il s’agit d’un Etat-membre de l’Union européenne, mais parce qu’ils prennent conscience que l’expérience pourrait faire tâche d’huile, ce qui est notamment le cas de l’Espagne.

Il n’y aura pas d’austérité soft

Leur enjeu ce dimanche soir sera d’ailleurs d’espérer non pas que Syriza ne sorte pas première des urnes (ce que même la droite grecque estime être désormais acquis) mais que Syriza soit contrainte, faute de majorité absolue, de trouver un partenaire de coalition, fût-il petit. Ce n’est pas pour rien que fut créé, en mars 2014, le petit parti « To Potami » (« Le fleuve »), autour d’un journaliste de la télévision et qui s’adresse aux déçus des partis traditionnels tout en les maintenant dans l’orbite libérale.

Ou bien la création, en réponse au discrédit total du PASOK qui gouverne avec la Nouvelle Démocratie (droite), par son ancien Premier ministre Georges Papandréou, d’une nouvelle formation social-démocrate, « Kinima » (« Le Mouvement »). Mais le PASOK lui non plus n’exclut pas de soutenir un gouvernement Syriza, à condition qu’il parvienne à réintégrer le parlement.

Nous le voyons, les pressions autour de Syriza sont diverses et intenses. Et elles représentent un véritable danger si elles parviennent à « assagir » Syriza, c’est-à-dire à l’amener à se limiter à une gestion « plus sociale » d’une politique dictée par la Troïka. Mais les politiques criminelles de la Troïka sont aussi compatibles avec la satisfaction des besoins élémentaires de la population grecque que l’huile et l’eau.

La Grèce, c’est l’Europe

La nomenclature européenne fera ainsi tout son possible afin que le gouvernement Syriza échoue, que cela passe par le sabotage pur et simple ou l’étreinte étouffante. Devant une situation sociale qui ne s’améliorerait pas, il n’est même pas à exclure que des mesures autoritaires, si ce n’est en bottes et en uniformes, fassent leur (ré)apparition. Et ceci est tout aussi plausible dans un scénario d’échec que de succès.

Voilà pourquoi le succès de Syriza ne doit pas intéresser uniquement les Grecs, mais toutes celles et ceux en Europe qui souhaitent un changement de cap fondamental. Et cela passera nécessairement par des actions de solidarité concrètes dans tous les Etats-membres de l’Union.

Et ce, dans la perspective de contraindre nos gouvernements, si ce n’est de soutenir (ne rêvons pas trop), du moins de s’abstenir au maximum d’action hostiles envers la Grèce et son gouvernement. Si le renouveau grec a lieu, si Syriza parvient à améliorer sensiblement, dans une première phase, les conditions de vie des Grecs, ce sera une première en Europe ; une première qui fera des émules.

Devenons des taches d’huile !

Au Luxembourg, notre tâche ne sera pas que symbolique. Le calendrier politique est ainsi fait que le Luxembourg assumera la présidence de l’Union européenne durant le deuxième semestre de cette année. Il est évidemment impossible d’anticiper l’avenir. Six mois, c’est long, et d’ici là, nous ne savons pas où en sera le gouvernement grec.

Il n’empêche que le gouvernement luxembourgeois jouera un rôle de premier plan dans l’éventualité d’un bras-de-fer avec Athènes. Du probable trio Tsipras-Juncker-Bettel, deux seront luxembourgeois.

Autant dire que la solidarité luxembourgeoise avec le peuple grec ne pourra se limiter à un piquet de soutien. Il faudra mettre sur pied, et ce assez rapidement, un comité de solidarité aussi large que possible qui mettra tout en œuvre pour pousser le gouvernement luxembourgeois vers des positions les plus favorables possibles pour la Grèce.

Il faudra gagner la population locale à lutte des Grecs, faire comprendre qu’ils la mènent pour toute l’Europe et qu’il est possible de la mener chez nous. Il faudra également interpeller nos socialistes locaux, qui seront amenés à choisir concrètement entre les intérêts du peuple et les intérêts bancaires. Gardons grande ouverte la porte que la Grèce s’apprête à (nous) ouvrir.




Ne nous trompons pas de colère

Comme beaucoup de gens, j’ai été un lecteur de Charlie Hebdo. Puis, avec le temps, j’ai commencé à décrocher. Je pourrais écrire que j’aimais toujours leur travail, mais l’hypocrisie ne fait pas honneur aux morts. C’était surtout dû aux éditoriaux de l’ancien rédacteur en chef Philippe Val, dont les prises de position atlantistes, voire carrément néo-conservatrices m’énervaient.

Après le départ de Val, je ne me suis pas « réconcilié » avec ce journal. D’accord, en bon lecteur compulsif, il m’arrivait de le feuilleter s’il traînait quelque part dans les parages – je n’ai pas exercé le métier de journaliste par hasard. Et il m’arrivait d’apprécier parfois leurs dessins et articles. Pas tous, mais certains.

Parfois, je trouvais leurs dessins pas drôles du tout, plutôt rabaissants. Et pourtant, ceux qui me connaissent savent mon goût pour l’humour noir goudron. Je n’aime ni la censure, ni les limites, mais j’aime l’intelligence. Ce n’était pas (ou plus) du calibre d’un Desproges. Mais à chacun ses goûts et ses sensibilités.

Néanmoins, je suis rassuré de vivre dans une société où il est permis d’agacer et d’énerver tout le monde, y compris moi-même. Que ferais-je sans au moins un agacement quotidien ? L’ennui ! La mort !

Du droit de m’énerver

Mais aujourd’hui, je suis vraiment triste. Je n’aime pas étaler mes sentiments publiquement, mais je déroge à la règle. Français par ma mère, j’ai grandi dans la culture populaire de l’Hexagone. Cabu, je le connaissais depuis mon enfance, car il officiait dans des émissions enfantines dans lesquelles il se permettait de faire de l’anarchisme dessiné pour les moins de 12 ans. Il respirait la gentillesse.

Et puis, évidemment, je connaissais les autres têtes connues, Wolinski, Tignous, Charb (qui m’énervait souvent mais qui avait du talent) et Bernard Maris, trop social-démocrate à mon goût, mais doué d’une originalité de pensée. Qu’on les ait aimés pas du tout, un peu, beaucoup ou passionnément, c’est triste. On ne tue pas des gens et on ne tue pas des gens parce qu’ils sont journalistes.

Lorsque j’ai appris la nouvelle hier, j’ai évidemment été choqué et une grosse boule s’est formée dans mon ventre lorsqu’apparurent les images des victimes connues, surtout Cabu, pour lequel, je le répète, j’avais une tendresse particulière. Mais même si le ventre parle, le cerveau cogite. Les médias ont commencé à parler du « 7 janvier 2015 », que la France ne serait plus pareille après ce jour. On pense évidemment au « 11 septembre 2001 ». Là aussi, on disait que le monde ne serait plus pareil. Ce fut le cas, on connaît la suite qui n’est pas réjouissante.

Halte aux amalgames

Une amie marocaine m’a envoyé un sms : « Je crois que je ne vais pas sortir de chez moi pendant plusieurs jours ». Je lui ai répondu qu’elle devait remettre les cons à leur place, ceux qui pensent qu’elle devrait se justifier d’une manière ou d’une autre.

Car non, les musulmans dans leur ensemble n’ont pas à se justifier. Tout comme les juifs dans leur ensemble n’ont pas à se distancier pour les actes commis par Israël. Les amalgames foireux pointent du nez. Et voilà le danger qui guette.

Parmi les personnalités qui ne reculent devant rien, c’est le député ADR Roy Reding qui a ouvert la danse en retwittant le tweet d’un débile que la décence interdit que l’on publie le nom, et qui fait référence au mouvement d’extrême droite allemand « Pegida » (acronyme signifiant les « Patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident » – oui, même le nom est débile…).

Ces gens-là qui n’ont de cesse de se référer aux valeurs du christianisme et de sa défense (on doute d’ailleurs fortement que l’on puisse retrouver ces valeurs dans le Nouveau Testament) n’hésitent pas à souiller les morts pour justifier leurs funestes projets.

Janus

Le journaliste Nico Graf de RTL a trouvé les mots justes : l’extrême droite islamophobe est l’alliée objective des fondamentalistes de ce qu’ils pensent être l’Islam. J’irais plus loin : lorsque j’entends le député Fernand Kartheiser (ADR lui aussi) pérorer sur ce qu’il pense être le christianisme, je ne peux m’empêcher de m’imaginer que s’il était né sous d’autres latitudes, disons l’Egypte, il porterait la barbe très longue et adresserait des fatwas à tort et à travers.

C’est le problème des réactionnaires de tous les pays : ils sont d’accord sur tout, ce qui les amène à vouloir se fracasser les uns les autres. Maintenant, il faut garder notre calme mais rester déterminés dans les luttes fondamentales. De l’Occident à l’Orient, les populations font face aux mêmes adversaires : à ces oligarchies de l’argent qui veulent nous soumettre, grignoter peu à peu nos droits démocratiques et sociaux. Et ce sont ces mêmes oligarchies qui étendent leurs intérêts en transformant le Moyen-Orient en brasier et charnier depuis 20 ans.

Leur cauchemar, c’est de nous voir unir nos luttes depuis la Syrie en passant par l’Egypte jusqu’en Europe et au-delà. Leur rêve, c’est de détourner nos colères et nos frustrations, de les orienter, en fonction de la région, vers celui qui aurait une autre foi ou pas de foi du tout.  On ne va pas leur faire ce cadeau. Cabu et ses amis ne sont pas morts pour ça.




Palestine: après la Suède, le Luxembourg?

Le Luxembourg est-il sur le point de reconnaître l’Etat de Palestine ? C’était l’un des sujets débattus cette semaine à la Chambre des députés à l’occasion des débats autour de la déclaration de politique étrangère.

L’on sait le ministre des affaires étrangères Jean Asselborn est particulièrement impliqué sur la question. Si l’on peut contester, de manière générale, la politique étrangère du Luxembourg pour son alignement atlantiste, il faut concéder qu’au moins sur cette question, Asselborn voit clair.

Probablement plus clair que d’autres. Il en aurait même fait une question personnelle, après de nombreux voyages dans la région, où l’homme sensible qu’il est fut confronté aux conditions de vie inhumaines dans les Territoires occupés de Cisjordanie ou le camp à ciel ouvert qu’est devenue la bande de Gaza. L’on entend même parfois se lamenter l’un ou l’autre diplomate plus enclin aux intérêts sionistes. Asselborn leur tiendrait tête paraît-il. Qu’il continue ainsi !

Asselborn et la Palestine

Le problème, c’est que la politique étrangère du Luxembourg se heurte à des intérêts économiques dans la région à cause d’entreprises luxembourgeoises actives dans les territoires occupés. Une question parlementaire d’André Hoffmann, adressée à l’ancien ministre de l’économie et du commerce extérieur Jeannot Krecké à ce sujet avait reçu pour réponse que l’économie et la politique, cela n’a rien à voir l’un avec l’autre. Dont acte !

Ces entreprises savent-elles seulement qu’elles risquent de se rendre coupables de complicité de crime de guerre, car c’est bien de cela qu’il s’agit, au plus tard lorsque la Palestine sera enfin reconnue comme Etat ? Actuellement, une plainte pour reconnaître la colonisation comme crime de guerre a été déposée auprès du Tribunal pénal international par le ministre palestinien de la justice. L’un ou l’autre entrepreneur actif dans la région devra donc se poser la question si les quelques bénéfices qu’il tire de son activité dans les Territoires occupés justifient d’éventuels et sérieux démêlés avec la justice internationale.

Du commerce illégal…

Petite parenthèse : les campagnes de boycotts de produits israéliens s’inscrivent dans cette logique. Décriés par les milieux pro-israéliens (surtout de droite) comme étant des campagnes antisémites à l’image des campagnes nazies (« Kauf nicht beim Juden »), elles visent les produits issus des Territoires occupés. Une occupation non seulement illégale (en violation avec la résolution 446 du Conseil de sécurité), mais qui commerce avec des produits (agrumes, olives, dattes…) issus de spoliations de terres ayant appartenues à des exploitant palestiniens.

Le problème, c’est que ces produits portent l’annotation « Made in Israel », ce qui, en plus d’être erroné, ne permettent pas de distinguer les produits des terres occupés de ceux provenant réellement d’Israël. Le brouillage volontaire des autorités de Tel-Aviv se retourne ainsi contre elles. En clair : pas d’occupation, pas de boycott – occupation, boycott.
Revenons à notre semaine parlementaire : le groupe déi Lénk à la Chambre a déposé une motion invitant le gouvernement luxembourgeois à reconnaître l’Etat de Palestine.

Nota bene : la motion ne contient pas de date précise pour cette reconnaissance pour la simple raison que, d’un point de vue légal, le parlement ne peut prescrire au gouvernement une action à un moment donné ; l’exécutif étant libre de choisir le moment approprié. C’est peut-être bête, mais c’est ainsi.

view video on chd.lu 

La reconnaissance de l’Etat de Palestine tourne autour d’une question centrale : la reconnaissance de cet Etat doit-il être l’aboutissement des négociations avec Israël ou doit-il en constituer un préalable majeur ? Pour celles et ceux qui n’auraient pas suivi le débat à la Chambre : tous les groupes politiques estiment que la reconnaissance de l’Etat de Palestine est légitime. Mais tous ne s’accordent pas forcément sur la manière de procéder.

C’est bien évidemment la position de l’ADR qui est la plus tranchée. Oui, pour la reconnaissance mais uniquement suite à la conclusion d’un accord entre Israël et l’Autorité palestinienne. Ce n’est un secret pour personne : l’ADR est le parti le plus pro-israélien du parlement, comme il est le plus atlantiste de tous, surtout depuis la prise en main des questions étrangères par leur député national-conservateur, anticommuniste primaire et islamophobe Fernand Kartheiser.

Cette position est celle prônée par le gouvernement Netanyahou-LiebermannBennett à Tel-Aviv. Ce gouvernement, dont le premier ministre Benyamin Netanyahou, selon les dires de l’ancien ambassadeur d’Israël en France, Elie Barnavi, ferait figure d’aile gauche tant les autres coalitionnaires se situent à l’extrême de l’extrême-droite, est aux mains des partisans de la droite messianique du « Grand Israël » – qui n’a plus grand-chose à voir avec les pionniers de la fondation de l’Etat hébreux.

Les illusions des attentistes

De plus, aussi bien le ministre des affaires étrangères – l’ancien videur de boîtes de nuit russe Avigdor Liebermann – vit dans une colonie illégale, à l’instar du ministre de l’industrie, l’homme d’affaires Naftali Bennett, qui se vante d’avoir tué beaucoup d’Arabes.

Reconnaître l’Etat de Palestine suite à la conclusion d’un accord signifie, dans le contexte politique actuel, ne jamais le reconnaître. Reconnaître l’Etat signifierait la fin des colonies, la fin du projet d’extension maximum de l’Etat d’Israël. C’est-à-dire la raison d’être des partis de Liebermann et de Bennett et d’une bonne partie du Likoud.

Ce n’est donc pas pour rien que le mouvement de reconnaissance unilatérale de l’Etat de Palestine, indépendamment des négociations, se met en branle. Sans pression extérieure sur le gouvernement israélien, aucune avancée n’est possible. Le risque est grand : au train où va la colonisation, Jérusalem risque d’être vidée des Arabes et la Cisjordanie devenir une extension d’Israël. La stratégie du gouvernement de Tel-Aviv consiste à mettre la « communauté internationale » devant le fait accompli.

La colonisation et la politique du fait accompli

La décolonisation en sera d’autant plus périlleuse à l’instar de la décolonisation de l’Algérie, dont le rapatriement des 2 millions de Pied-Noir vers la France faillit faire basculer la République dans la guerre civile ou le coup d’Etat.

La position du CSV, présentée par le député Laurent Mosar est représentative des illusions que certains se font : oui, à la reconnaissance de la Palestine, mais de concert avec les Etats membre de l’Union européenne. Chose ardue sachant que l’Allemagne et la République tchèque s’y opposeront probablement, ainsi que peut-être le Royaume-Uni, pris entre les positions contradictoires de son parlement (qui a voté une résolution similaire le 13 octobre) et de son gouvernement.

La reconnaissance de la Palestine sur la bonne voie (pour l’instant)

Le LSAP semble toutefois bouger sur la question : il faudra reconnaître la Palestine, peut-être même de manière unilatérale comme la Suède, mais après avoir tenté de trouver une solution au Conseil de sécurité de l’ONU, dans lequel le Luxembourg siège jusqu’à la fin de l’année, ainsi que d’avoir trouvé un consensus européen. C’est la position d’Asselborn, socialiste lui-même, et s’il s’y tient, la reconnaissance de la Palestine par le Luxembourg n’aura finalement qu’été retardée de quelques semaine. Une position que partagent grosso modo le DP et les Verts.

Comme l’on pouvait s’y attendre, la motion déposée par Serge Urbany de déi Lénk a été relayée au sein de la commission des affaires étrangères pour discussion et pourrait subir quelques « réajustements ». En principe, il se pourrait qu’elle revienne en séance plénière à la mi-décembre pour y être adoptée. Reste à veiller à ce que les « réajustements » qu’elle subira ne lui ôtent toute substance. Mais on ne peut raisonnablement pas imaginer qu’elle rejoigne la position minoritaire de l’ADR.




Anges et démons: comment reconnaître les siens dans le conflit israélo-palestinien?

Le conflit israélo-palestinien est certainement celui qui génère le plus de tensions en-dehors de ses propres frontières. En Europe, nous n’y sommes pas indifférents – après tout, la création de l’Etat d’Israël est à l’origine une question européenne.

Si la colonisation de la Palestine occupée se poursuit inexorablement, seuls les conflits les plus sanglants, comme l’intervention d’Israël dans la bande de Gaza cet été, sont hautement médiatisés. Ici, ces conflits sanglants provoquent de très virulents débats.

Martine Kleinberg vit au Luxembourg depuis de nombreuses années et elle milite au sein du Comité pour une Paix Juste au Proche-Orient. Le 24 octobre, déi Lénk l’avait invitée lors de son Vendredi Rouge. Issue d’une famille juive traditionnelle de Lyon, elle a fait l’expérience des kibboutzim dans les années 80. Lors de cette soirée, elle a résumé les enjeux du conflit mais a surtout parlé du camp de la paix israélien, ainsi que des différentes composantes de la résistance palestinienne, dont la question plus controversée du Hamas.

Pour celles et ceux qui ne pouvaient pas être présents à la soirée, voici la conférence de Martine Kleinberg dans son intégralité. Merci aussi à Artur Leonardo Kurkowiak pour l’excellent enregistrement !

Conférence-Débat avec Martine Kleinberg. from Artur Leonardo Kurkowiak on Vimeo.




Nouveau départ

Il n’y pas qu’au Luxembourg que l’on ne donne jamais, voire que rarement, la parole aux détenus et anciens détenus. Ils font partie du genre humain, mais sont exclus d’une société dont ils sont souvent le produit. Pour sa première interview vidéo, Goosch donne la parole à Guy Peiffer (en luxembourgeois), l’ancien « détenu le plus célèbre du Luxembourg ».

Pendant les plus de 24 années qu’il a passées en prison, il n’a cessé de clamer son innocence suite à une condamnation pour double assassinat. Désormais libre, il a écrit un livre dans lequel il relate son histoire et entend demander une révision de son procès qu’il a toujours qualifié de biaisé (lire ici une interview de ses deux avocats parue dans le woxx en 2008). « Je n’ai pas été un ange, mais pas une crapule non plus », répète-t-il souvent.

Mais ce n’est pas tout : il vient également de fonder une association, « Second Chance », visant à aider les anciens détenus à se réinsérer dans la société, notamment par le travail. Et qui de plus légitime pour cette tâche qu’un ancien de Schrassig ?